L'Ordre des Chevaliers Divins
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L'Ordre des Chevaliers Divins

L'Ordre des Chevaliers Divins regroupe nombre de soldats plus ou moins expérimentés mais se battant pour une cause juste, Dieu.
 
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 Un long Hiver

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SquallDiVeneta
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SquallDiVeneta


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Votre Chevalier
Nom: Livio Daleva
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Statut: En mission

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MessageSujet: Un long Hiver   Un long Hiver Icon_minitimeVen 8 Oct - 12:39

Une vaste vallée blanche s’étendait face à Bertrand de Lorraine, qui aurait crut que quelques semaines plus tôt, à cet endroit précis, lui et ses hommes avaient connu l’enfer ? Des bribes de souvenirs refirent surface alors qu’il observait ce paysage immaculé, son cœur se serrant à l’idée du nombre d’hommes qui avaient péri ici en vain - le chiffre exact, il l’avait connu, mais presque aussitôt, il s’était alors efforcé de l’oublier, le rayer de sa mémoire à jamais tant il avait souffert en réalisant à quel point ce carnage avait été épouvantable et inutile. Il se souvenait d’une mêlée impitoyable, les corps se heurtant, les coups d’épée, de lance et de hache, les boucliers volant en éclats, les os se brisant, les chaires se déchirant, et ce sang…tant de sang.
Puis, le feu, le feu tombant du ciel, comme si l’enfer se déchainait sur le champ de bataille, d’innombrables hurlements ancrés malgré lui dans sa tête, comme les échos de toute cette souffrance qui avait entaché à jamais ce lieu. Les hommes, les chevaux, amis et ennemis, tous victimes des tirs de l’artillerie toulousaine, impitoyable, indifférente aux pertes subies dans leurs propres rangs. En ce lieu autrefois nommé « le Vallon aux Vergers », les chevaliers de l’Ordre avaient vécu leur victoire la plus amer de toute leur histoire, plus encore que la prise de Svarga en Hongrie.

A présent, la mémoire des chevaliers de l’Ordre était entachée par le souvenir de la bataille de la Vallée des Sanglots, ainsi avait-elle été renommée, par qui exactement, nul ne le savait, mais dès le lendemain de la bataille, ce lieu en avait été affublé. Bertrand trouvait cela approprié, lui-même n’avait pu retenir ses pleurs, lorsqu’à l’aube, regagnant sa tente après les combats, il s’était effondré sur sa paillasse, encore vêtu de son armure ruisselante de sang. Là, il avait entendu, couvrant ses propres plaintes, les hurlements de détresse, de chagrin et d’effroi des survivants. Chevaliers de l’Ordre, toulousains, mercenaires, chacun avait laissé exploser ses émotions, d’une manière ou d’une autre, par des pleurs, des cris de rage, parfois même des rires de démence, mais c’était bien les sanglots qui avaient résonné avec le plus de force dans cette petite vallée. Cette infime partie du monde avait été englobée par le chagrin de ceux qui avaient eu la chance, ou le malheur, de voir le jour se lever.

Et s’il y avait eu des survivants parmi les chevaliers, si la victoire, aussi cruelle eu-t-elle été, avait été possible, ce fut grâce à Rénald. L’homme que Bertrand avait imaginé pouvoir défier, celui-là même avait permis à l’Ordre d’échapper à la débâcle. Chargeant les rangs ennemis pour mieux les traverser afin d’attaquer les servants des engins de sièges, loin derrières les lignes adverses, et loin de tout renfort possible, isolé, seul avec sa cinquantaine de gardes du corps. Cet homme avait affronté l’ennemi par centaines, empêchant momentanément les mercenaires toulousains de faire feu, renversant ainsi le cours de la bataille. Après des heures de combats, les deux camps, exténués, s’en étaient retournés à leurs campements respectifs, sans qu’aucun vainqueur ne soit réellement désigné, alors que le soleil pointait à peine à l’est. Les hommes s’étaient reposés quelques heures, puis, lorsque les officiers appelèrent leurs troupes à se rassembler à nouveau afin de retourner au combat, les soldats de l’Ordre réalisèrent que l’ennemi avait fui. Trop meurtris, trop épuisés, trop démoralisés par les pertes subies, les toulousains s’en étaient allés, attachant à des poteaux les cadavres de leurs camarades blessés, ayant succombés pendant la matinée, afin de faire croire aux soldats de l’Ordre, postés de l’autre côté de la vallée, que le campement était encore occupé. Ainsi, la victoire avait été remportée.

Expirant profondément une spirale de buée qui s’échappa de ses lèvres gercées, Bertrand essuya rapidement une larme coulant sur sa joue droite, de peur que le froid ne la fasse geler. Malgré la victoire, même Rénald du se rendre à l’évidence : les pertes avaient été trop lourdes et les hommes trop épuisés pour marcher dès lors à travers les terres toulousaines, à la poursuite de l’ennemi en déroute. Le Maître de l’Ordre avait alors décrété que l’armée se regrouperait et récupérerait de ses blessures durant trois jours avant de reprendre son avancée. Mais, au troisième jour, contemplant avec impuissance l’épuisement de ses hommes, Rénald leur avait accordé trois jours supplémentaires, trois jours de répit que l’ennemi mit à son profit, lançant des raids éclairs contre les lignes de ravitaillement de l’Ordre, gênant le réapprovisionnement de l’armée. Pendant une semaine encore, les troupes restèrent alors à la Vallée des Sanglots, alors que la cavalerie de l’Ordre, débordée par les nombreuses attaques ennemies, tentait tant bien que mal de sécuriser ses routes d’approvisionnement. Malgré l’intervention du capitaine Gordon et de ses tristement célèbres Faucheurs, puis de la Compagnie du Vent du capitaine De Rhodes, rien ni fit, les toulousains étaient déterminés à retarder autant que possible la reprise de la marche de l’armée de l’Ordre.
Et finalement, un nouvel ennemi avait fait son apparition, clouant l’Ordre sur place avec une efficacité redoutable : la neige. Durant les deux semaines précédentes, il avait déjà commencé à neiger sur la région, mais subitement, du jour au lendemain, de véritables blizzards s’abattirent sur le sud de la France, recouvrant ses collines, ses vallées et ses montagnes d’un manteau blanc aussi épais qu’infranchissable. Malgré la volonté de Rénald de poursuivre la guerre durant l’hiver, rien n’avait pu préparer l’Ordre à de telles chutes de neiges, la seule chose qu’il pouvait faire à présent, c’était rassembler ses forces pour le moment où enfin, il serait libre de ses mouvements.

Une nouvelle année avait débuté, dans le froid, s’ouvrant sur d’interminables paysages enneigés, sur lesquels flottaient une tension palpable, la peur des hommes qui savaient qu’il leur faudrait tôt ou tard repartir au combat. Les échos de la guerre venaient à peine de s’éteindre, après des semaines de durs combats depuis les premières attaques toulousaines, et tous attendaient avec appréhension le retour des flammes de la guerre. Cette peur, Bertrand la sentait, elle était partout, il était difficile d’y échapper lorsque l’on avait pour mission de guider de jeunes recrues jusqu’au campement principal de l’armée, situé à cinq kilomètres au nord-ouest du lieu de la bataille. Depuis qu’il était devenu évident que la guerre ne pourrait pas reprendre tant que les neiges n’auraient pas fondues, Rénald avait appelé ses officiers à rassembler le plus de lames et de lances possibles sous la bannière de l’Ordre.
L’on était à la fin du mois de février, et Bertrand avait jusqu’ici réussi à gonfler les rangs de leur armée d’au moins deux cent jeunes combattants, en plus d’une dizaine de personnes capables d’officier en tant que guérisseurs, d’une poignée de forgerons et d’apprentis, et surtout, été parvenu à attirer au sein de l’Ordre une quinzaine de chevaliers étrangers, avides de gloire et de richesses. Ayant poussé jusqu’à la frontière sud des terres de l’Ordre, il était entré en contact avec quelques nobles aragonais, navarrais et castillans qui avaient promis de venir prêter main forte à l’Ordre dès le printemps, avec à leurs côtés une cinquantaine de leurs vassaux, accompagnés eux aussi de leurs sujets et de leurs suites. Avec toutes ces promesses de renforts, Bertrand osait espérer que malgré les paroles qui ne seraient pas tenues et les chiffres faussés de certains nobles trop vantards, il parviendrait à rallier à l’Ordre près de six cents lames expérimentées lorsque le soleil réchaufferait à nouveau ces terres.

Mais pour l’instant, il devrait se contenter de la trentaine de jeunes gaillards qu’il ramenait avec lui des campagnes environnantes : de simples garçons de fermes et des voleurs, mais tous étaient d’une constitution solide et étaient plutôt enthousiaste à l’idée d’entrer dans l’Ordre. Ils ne savaient pas qu’ils ne seraient pas de véritables chevaliers, n’étant pas d’ascendance noble, puisqu’à présent, seuls les nobles pouvaient espérer y prétendre, à moins que certains n’accomplissent quelques exploits attirant l’attention de Rénald sur eux, ou au pire, celle d’un officier de haut rang. Mais pour l’heure, ces garçons ignoraient qu’ils seraient simplement des hommes d’armes, des conscrits, des auxiliaires et non des chevaliers.
Menant son cheval par la bride, Bertrand pressa le pas, alors qu’il foulait de ses pieds la neige qui recouvrait le champ de bataille, au loin, il pouvait voir d’étranges formes s’élever, surgissant de la neige : les engins de mort toulousains qui avaient coûté à l’Ordre tant de vies et stoppant ainsi net sa progression. Lorsqu’il avait chargé à la tête de son escorte les mangonneaux et les balistes ennemies, avec à ses trousses une trentaine de cavaliers toulousains, Rénald avait subjugué ses troupes, n’hésitant pas à se précipiter tête baissée vers une mort quasi-certaine, leur insufflant un peu plus de courage, alors qu’il frôlait la mort, perdant durant la bataille presque toute son escorte. Et lorsque son porte-drapeau succomba sous le nombre, ce fut lui qui saisit sa propre bannière pour l’élever le plus haut possible, afin de prouver à tous que le seigneur de l’Ordre respirait toujours. Et malgré toute la haine qu’il pouvait ressentir pour cet homme, même Bertrand avait ressenti un pincement au cœur et de la fierté, à la vue de cet homme valeureux, combattant de toutes ses forces comme n’importe lequel de ses hommes.

Après cela, malgré toute sa conviction que cet homme devait être stoppé, comment Bertrand pouvait-il espérer le défier ? Rénald avait le respect de ses armées, à défaut de leur cœur, il avait gagné leur confiance. Il était intouchable, ou bien était-ce Bertrand qui manquait de résolution, il n’en savait rien, il voulait sauver l’Ordre de Rénald, de ce qu’il risquait d’en faire, mais comment pouvait-il faire cela alors que le seul homme capable de remporter la guerre qui les opposait à Toulouse était précisément celui qu’il cherchait à abattre ? Rénald ne pouvait plus être déchu, et il ne devait pas l’être, pour le bien de l’Ordre…
S’égarant sans cesse dans ses pensées, les heures s’écoulant alors que lui et ses jeunes recrues avançaient péniblement à travers la neige qui leur arrivée jusqu’aux genoux, et même parfois jusqu’à la taille, Bertrand fut presque surpris lorsque le campement apparu au détour d’un chemin contournant une colline et passant par un petit pont de pierre surplombant une rivière gelée, dix mètres sous leurs pieds. Là, il laissa ses recrues attendre à une cinquantaine de mètres des portes alors qu’il sautait sur le dos de son cheval et partait au trot, profitant de la route à peu près dégagée autour du camp.

Au fil des semaines, le campement avait été grandement fortifié, ainsi, une haute et solide palissade avait été élevée tout autour du camp en premier lieu, puis, lorsque les blessés se furent trop nombreux dans les premières jours qui suivirent la bataille, on érigea une autre palissade accolée à la première sur le côté est du camp. On y plaça les infirmeries et les tentes des chirurgiens afin que les blessés, et surtout les mourants, ne côtoient pas toute la journée les soldats dont le désœuvrement les exposait plus facilement au désespoir à force de voir leurs camarades passer de la vie au trépas. Mais, confrontée aux nombreuses morts parmi les soldats en convalescence, l’intendance avait alors décidé de commencer à bâtir du solide et du durable afin d’abriter les blesser loin du froid, creusant d’aussi profondes fondassions que possible dans le sol gelé et construisant des bâtiments à demi-enfoui.
Puis, alors que le nombre de soldats commençait à grandir avec l’arrivée de nouvelles troupes, dont près de deux mille miliciens venus de Perpignan et de ses alentours, une seconde enceinte avait été bâtie, doublant la superficie du campement. Ensuite, lorsque Rénald se résigna à passer l’hiver à attendre la fonte des neiges, il lança la construction de nombreux bâtiments afin de remplacer les tentes, ainsi, bon nombres d’hommes pouvaient à présent dormir sous un vrai toit, et la tente de commandement avait été substituée par un bâtiment à deux étages, avec à son sommet, une tour de guet qui s’élevait à une dizaine de mètres du sol.
Et enfin, en plus des combattants dont le nombre grandissait chaque jour, le camp avait attiré certaines populations qui vivaient dans le sillage que laissaient les guerres derrière elles : forgerons, marchands en tout genre-mais surtout de vin et de bière-, filles à soldats, artisans et prêcheurs. Tout ce petit monde s’était ainsi rassemblé en ce lieu pourtant assez isolé, et Bertrand commençait à penser qu’après le départ de l’armée, le campement serait reconverti en un rien de temps en une petite communauté.

Arrivé aux portes du campement, Bertrand chargea dans un premier temps un sergent de prendre en charge ses nouvelles recrues, puis blâma l’officier de garde à cette entrée car il n’avait croisé aucune patrouille durant leur marche jusqu’au camp. L’intéressé n’y était sûrement en rien responsable, mais Bertrand savait qu’il irait par la suite blâmer un autre subordonné, qui irait en blâmer un autre, et ainsi de suite. Au final, l’information circulerait, et les patrouilles finiraient très vite par être renforcées.
Confiant sa monture à un palefrenier, Bertrand s’en alla rejoindre le poste de commandement où il avait sa chambre, un bien grand mot pour une bien petite pièce à peine séparée du couloir où elle se situait par un rideau malodorant, mais après dix jours de marche à travers la neige et le froid, il s’y sentirait comme dans le palais de l’Empereur à Constantinople, il se rappela des quelques jours où il y avait séjourné avec extase, après la bataille dans la capitale, événement qui lui semblait remonter à une éternité, ou même deux.
Traversant le campement d’un pas vif, Bertrand pu voir avec tristesse que les choses n’y avaient guère changer depuis son dernier séjour en ces lieux. Passant devant une des cantines où l’on servait une soupe nauséabonde aux hommes ayant effectué leur tour de garde ou leurs entrainements durant le repas de midi, Bertrand s’arrêta un instant pour observer la scène. Les cuisiniers chargés de distribuer la nourriture étaient entourés par une dizaine d’hommes particulièrement costauds, chacun arborant noué à son bras droit un foulard noir, et tous ceux qui attendaient d’être servit en nourriture mais ne portant pas eux même le fameux ruban des fidèles de Rénald restaient en retrait. Pendant ce temps, le reste de la troupe des affamées, ceux qui portaient attaché à leur bras les couleurs du maître de l’Ordre, étaient servis en premier, certains riants aux éclats en lançant des regards moqueurs vers ceux qui attendaient derrière eux. Quand enfin le dernier ruban noir fut servit, ce dernier regarda derrière lui les hommes qui patientaient afin d’être à leur tour servit, il fit signe avec courtoisie au premier de la file de venir avec son bol afin qu’un cuisinier y verse sa ration. L’homme en question s’avança avec prudence, et tandis son bol au cuisinier qui semblait déjà savoir ce qui allait se produire, regardant en grimaçant les rubans noirs qui l’épaulaient. Lorsque le cuisinier plongea sa louche dans l’énorme chaudron au contenu encore bouillant, le ruban noir se racla la gorge dans un râle répugnant et lança un énorme cracha marron dans le ragout qui allait être servit à ceux qui avaient été maintenu à distance jusque là par les fidèles de Rénald.
Aussitôt, des exclamations de colères s’élevèrent dans les rangs de ceux qui n’avaient pas encore eu droit à leur ration, exactement ce qu’attendaient les rubans noirs qui s’avancèrent, délaissant leur repas qui semblait arriver en deuxième position dans l’ordre de leurs priorités. Jugeant que le moment était opportun pour une intervention, Bertrand se précipita entre les deux groupes au bord de l’affrontement et dégaina son épée dans un sifflement qui fit son petit effet, chacun braquant son regard sur l’officier à l’armure blanche maculée de boue, au regard fatigué, bardé de cernes noirs et aux joues creusées par le vieillissement prématuré.

-Ca suffit ! Hurla Bertrand en levant son épée afin que tous puissent la voir.

A la vue de cet officier de haut rang et à la notoriété indiscutable, les hommes semblèrent abandonner l’idée de se battre, mais les rubans noirs ne semblèrent pas ravis d’être ainsi interrompu, et plusieurs lancèrent des regards courroucés vers Bertrand et plusieurs murmures de contestations se firent entendre. Alors qu’il s’apprêtait à imposer le silence, une autre voix l’imposa clairement avec violence. S’avançant vers le lieu de conflit, Bertrand reconnut le capitaine Otto Van Kassel, lui-même arborant un foulard noir à son bras droit, en plus d’un tabard noir sur lequel était apposé l’armoirie de Rénald en personne, derrière lui, cinq de ses hommes suivaient, sa nouvelle « Garde de fer ».

-Le commandant vous a ordonné de mettre fin à cette querelle, hurla Von Kassel avec fureur, et si j’entends à nouveau le moindre marmonnement, je fais fouetter la moitié d’entre vous et pendre le reste !

A ces mots, venus d’un officier fidèle à Rénald, le groupe de rubans noirs se dispersa, reprenant leurs bols de nourriture et allant s’installer à des tables du réfectoire, sous une longue tente ouverte sur les côtés. Bertrand regarda le capitaine avec colère.

-Vous n’aviez pas à intervenir, en faisant cela, vous avez bafoué mon autorité, j’avais la situation en main.

-Pardonnez-moi commandant, répondit Von Kassel avec bien trop de spontanéité et de détachement pour faire croire qu’il pensait réellement ce qu’il disait, cela ne se reproduira plus. Le Maître vous attend.

D’un pas sur le côté, Von Kassel s’écarta du passage de Bertrand, l’invitant, sinon l’intimant, à rejoindre le poste de commandement. Avec un dernier regard plein de colère, mais aussi de chagrin, Bertrand passa devant le capitaine germain qui avait autrefois combattu à ses côtés, qui avait été un allié sincère et valeureux. Mais à présent, Von Kassel avait changé, totalement dévoué à Rénald, il était devenu l’un de ses plus fidèles hommes de main, dirigeant un branche particulière des rubans noirs, la Garde de Fer. Ces hommes, tout de noir vêtus, étaient à la fois les gardes du corps de Rénald, mais aussi les troupes qui maintenaient l’ordre au sein de l’armée, crée peu après la bataille de la Vallée des Sanglots, ils s’étaient très vite imposés, mettant un terme aux bagarres, punissant les soldats coupables de vols dans l’intendance, et mettant à mort ceux qui leurs désobéissaient. Portant une cotte de maille légère, passée sous un tabard noir, une longue cape noire les suivant et englobant leurs épaules, chacun équipés d’une lance et d’une épée longue qu’ils gardaient à leur ceinture. Mais ils étaient surtout reconnaissable par leurs visages masqués, car tous les Gardes de Fer portaient un heaume léger avec un foulard noir leur recouvrant la figure, du cou jusque sous leurs yeux, ainsi, personne ne pouvait les reconnaitre individuellement, ni tenter de représailles contre eux lorsqu’ils n’étaient pas vêtus de leur armure, ils pouvaient aussi se fondre dans la masse sans être reconnus lorsqu’ils délaissaient leur uniforme, faisant ainsi de dangereux espions au sein même de l’armée de l’Ordre. Mais surtout, ces hommes inspiraient un malaise constant chez Bertrand, il se dégageait d’eux une autorité et une force implacable, les foulards recouvrant leurs visages les déshumanisant, leur ôtant la moindre caractéristique capable de les distinguer de leurs camarades. Avec eux, l’autorité de Rénald avait désormais prit vie sous la forme de Von Kassel et de ses Gardes de Fer.

Pénétrant dans le poste de commandement, Bertrand croisa presque immédiatement Roland Fontaine, cet officier toulousain qu’il avait affronté quelque mois plus tôt et qu’il avait vaincu puis capturé. Lorsque Rénald avait décrété que tout officier ennemi capturé devait être exécuté -mesure élargie aux soldats ordinaires également par l’initiative de certains rubans noirs- Bertrand qui avait fini par ressentir un grand respect pour son ennemi vaincu, avait fait croire à tous que Roland était son aide de camp et commandant en second. Malgré le refus initial de Roland, la nécessité l’avait emporté, et il avait joué son rôle à la perfection, organisant les funérailles de Tiberio Polani à Castelfort, rassemblant des informations sur place pour Bertrand, puis le rejoignant au camp de la Vallée des Sanglots avec des renforts. Roland était un officier de valeur, intuitif et plein de ressources, mais il n’oubliait pas qu’il était toulousain et que ce conflit l’affecté d’une toute autre manière, bien qu’il continua de jouer la comédie en présence des tuniques noires, il ne se privait pas pour faire part à Bertrand de ses pensées lorsqu’il pouvait se le permettre.

-Commandant, le Maître souhaite que vous lui fassiez un rapport détaillé sur les renforts que vous avez rassemblé depuis le début du mois, annonça Roland en emboitant le pas à Bertrand qui se dirigeait vers sa chambre où il espérait pouvoir se changer avant de rencontrer Rénald.

Bertrand acquiesça distraitement, observant tout autour de lui afin de s’assurer qu’on ne l’écoutait pas.

-Des nouvelles de Daleva ? Demanda-t-il tout bas à Roland qui continua de parler, faisant l’inventaire des événements survenus au camp ces dix derniers jours.

- …et nous avons reçu un stock de trois cent têtes de flèches avant-hier, mais notre stock de hampes de flèches a été dégradé par l’humidité, cela risque d’être problématique pour la Compagnie du Vent et les Pisteurs de Harper. Daleva n’a pas été vu depuis six jours maintenant. Il nous faudra attendre le prochain ravitaillement pour remplir nos réserves…

-Et Gordon ?

-…quant à nos réserves de nourriture, malgré l’arrivée continue de soldats, elles sont satisfaisantes. Lundi, le capitaine Gordon avec une quinzaine des siens est parti en mission sans donner la moindre indication à personne, comme à son habitude, il semblerait qu’il soit retourné ensuite à Fort Guède avec un butin impressionnant…et des paniers pleins de têtes qu’il se serait empressé d’envoyer à l’ennemi…c’est la rumeur…

Bertrand grimaça et regarda Roland qui resta stoïque, mais Bertrand savait qu’il souffrait intérieurement, ils savaient tous deux de quoi le terrible Démon du Nord, comme il était surnommé, était capable, et il était fort probable que de nombreux compatriotes de Roland aient été sauvagement massacrés par Gordon et ses Faucheurs.
Quant à Daleva, Bertrand doutait de plus en plus qu’il puisse être utilisé afin de s’opposer à Rénald. Sans cesse envoyé en mission, l’ancien Svarog était devenu insaisissable, à chaque fois que le commandant tentait de lui mettre la main dessus afin de s’entretenir avec lui, Daleva disparaissait. Telle une ombre, il semblait fuir Bertrand comme la peste, prenant ses ordres auprès de Rénald, puis repartant immédiatement. Bertrand redoutait quel emploi Rénald pouvait bien avoir trouvé pour ce soldat de la nuit aux talents aussi redoutables que variés.
Après un temps d’arrêt, lourd de sens pour Bertrand, mais anodin pour quiconque écouterait la conversation, Roland reprit son compte rendu des sorties de l’Ordre, des stocks d’armes, de vivres et de matériel, Bertrand devina dans sa voix une légère nuance, Roland espérait désespérément qu’il finisse par agir et trouver le courage de s’opposer à Rénald.
Ils avaient commencé à rassembler des partisans, en faible nombre, mais à la volonté forte, seule celle de Bertrand ne cessait de vaciller.
Pourtant, l’homme qu’il hésitait à combattre était celui qui avait orchestré la mort d’un millier de chevaliers de l’Ordre, ceux qui avaient suivis l’évêque Antoine de Caen, après que ce dernier ai voulu quitter l’Ordre suite à l’accession au pouvoir de Rénald. A la fin de la bataille de la Vallée des Sanglots, le jeune danois était parvenu à glisser à Bertrand quelques mots, lui révélant la culpabilité de Rénald dans la mort de son ancien camarade, mais aussi de celles de près d’un millier de partisans d’Antoine de Caen. Cette révélation qui avait profondément ébranlé Bertrand avait été la seule chose qu’il avait pu apprendre du lieutenant, car, trop blessé pour réussir à en dire plus, il s’était effondré de fatigue et avait du être emmené d’urgence auprès des médecins de l’Ordre.

-Et Skapty, des nouvelles ? Demanda Bertrand avec espoir, sentant la culpabilité lui étreindre le cœur.

En guise de réponse, Roland secoua la tête avec un air navré. Car depuis cette nuit où Bertrand avait fait emmené Skapty aux infirmeries afin d’y être soigné, le jeune homme au bord de l’agonie avait disparu sans laisser la moindre trace.
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SquallDiVeneta
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MessageSujet: Re: Un long Hiver   Un long Hiver Icon_minitimeVen 8 Oct - 12:41

L’air glacial mordait cruellement la peau de Karl Skapty, totalement nu et prostré dans un coin de sa minuscule cellule, grelotant de froid, Karl regardait de son seul œil valide la fine lucarne de la pièce d’où sifflait un vent froid accompagné de quelques flocons de neige. Le corps couvert de plaies, de marques de coups, le visage tuméfié et son œil droit fermé, son arcade sourcilière fendue y déversant un flot de sang. Karl n’avait jamais eu aussi froid, jamais eu aussi mal, jamais auparavant il n’avait connu un tel désespoir. Combien de jours s’étaient-ils écoulés depuis qu’il s’était réveillé là ? Et depuis combien de temps y était-il déjà avant d’y reprendre connaissance ? La seule chose dont il parvenait à se rappeler était le carnage immonde du Vallon aux Vergers, les flammes tombant sur eux, les combats, la douleur, la mort qui empestait partout autour de lui. Puis, plus rien, il s’était éveillé là, privé de ses vêtements et seul.
Depuis, les jours s’étaient succédé dans le froid, et la douleur, lorsque ses geôliers venaient le chercher pour le soumettre à la question. Tout vêtus de noir, portant des foulards sur leurs visages, ne laissant visibles que leurs yeux et leur front, ils venaient le chercher régulièrement, qu’il soit conscient ou non. Ils l’emmenaient dans une pièce sans fenêtre, uniquement illuminée par quelques bougies, une pièce aux dalles poisseuses de sang séché, aux murs couverts de chaines et munie d’une longue table sur laquelle se trouvait un assortiment effrayant d’outils de torture, même si généralement, ses tortionnaires préféraient simplement le battre à coups de poings et de bâton. Les mêmes questions revenaient sans cesse : qu’avait-il dit à Bertrand de Lorraine ? Avait-il des contacts avec d’autres officiers susceptibles de se retourner contre Rénald ? Pourquoi avait-il cherché à retrouver la trace de Livio Daleva ? En savait-il plus qu’il ne le devait sur les plans du Maître ? Pourquoi les Ombres avaient-ils cherché à l’éliminer ? Et tant d’autres du même genre.

Ainsi, il n’avait pas été difficile pour Karl de deviner qui était son hôte, Rénald. Apparemment, Karl avait été repéré et il en payait les conséquences dorénavant. Il avait abandonné tout espoir depuis des jours, son seul souhait été à présent qu’on en finisse avec lui, à de nombreuses reprises, on le lui avait promit à condition qu’il révèle tout ce qu’il savait, mais cela, c’était hors de question. Jamais il ne trahirait Bertrand et sa cause, jamais.
Soudain, des pas résonnèrent dans les couloirs des cellules, car il y en avait beaucoup d’autres comme lui, prisonniers de Rénald, souvent, il entendait leurs cris lorsqu’eux aussi étaient emmenés dans la chambre de torture, et parfois, les geôliers en emmenaient un au hasard en pleine nuit afin de le torturer, uniquement pour troubler le sommeil déjà agité de leurs invités. Karl le savait très bien, car de plus en plus souvent, il était celui qu’ils venaient chercher afin de faire comme ils le disaient « de la musique », ils ne posaient aucune question, se contentant de le frapper, le brûler, lui torde ses membres, lui planter des aiguilles dans le corps et lui infligeant bien d’autres sévices. Les pas étaient nombreux, indiquant qu’aujourd’hui, quelqu’un serait mené à la Chambre. Des gémissements couvrirent les bruits de pas, les plaintes des prisonniers qui priaient pour que ce ne soit pas leur tour.
A mesure que les pas se rapprochaient de sa cellule, Karl sentait son cœur s’accélérer, une partie de lui savait que ce serait lui. Soudain, un craquement qui lui déchira les tympans et le terrorisa, la porte de métal de sa cellule grinça et quatre hommes masqués entrèrent, portant de lourdes chaines, près à emmener Karl dans la Chambre.

Incapable de se retenir, Karl éclata en sanglots et se pressa plus encore contre les murs de sa prison, agitant ses faibles bras pour se débattre des bras qui le soulevèrent sans la moindre douceur. Un des geôliers éclata de rire lorsque la vessie de Karl se vida sans qu’il ne s’en aperçoive, l’urine dégoulinant le long de ses jambes, formant une mare autour de lui. Sans ménagement, un garde le plaqua contre le sol, en plein dans son urine et lui passa ses chaînes autour de ses poignets meurtris avant de le tirer littéralement sur le sol, l’emmenant vers la Chambre.
Trainé comme un animal dont on mené la carcasse pour être découpée, Karl plongea dans un état de torpeur, échappant ainsi momentanément à l’emprise que ses geôliers avaient sur son esprit, il se sentit libre à nouveau, comme cela lui arrivait régulièrement lorsqu’il était dans la Chambre, là, dans la pièce où son corps était maltraité, déchiré, brisé, son esprit quant à lui parvenait à s’enfuir, loin. Karl revoyait les campagnes de sa jeunesse, l’abbaye où il avait élevé, ses champs, la mer à quelques pas de là, les neiges qui tombaient doucement sur le Danemark. Pendant ces quelques instants, il se sentait à nouveau en paix.
Mais cela ne durerait pas, tôt où tard, on revient toujours dans la Chambre. Karl ouvrit lentement son œil et s’aperçu qu’il était attaché à un mur de la Chambre, les bras et les jambes écartés. Face à lui, son bourreau plongeait une épée rouillée dans un récipient plein de braises ardentes, l’homme se retourna et approcha la lame rouge vive du visage de Karl.

-Pourquoi cherchais-tu à retrouver Daleva ? Qui te l’a demandé ? De Lorraine ? Réponds-moi !

Karl baissa la tête et ferma les yeux, lorsque son tortionnaire compris qu’aucune réponse ne lui serait fournie, il plaqua le plat de la lame sur le flanc de Karl. Un long hurlement déchirant raisonna dans la prison. Jusque tard dans la nuit, son bourreau lui posa cette éternelle question, encore et encore, pourquoi s’était-il renseigné sur Livio Daleva.

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Livio Daleva observait avec indifférence les cadavres qui reposaient dans la neige face à lui, trois corps recouverts de sang et percés de flèches. A leurs côtés se trouvait un quatrième individu, bien vivant lui, mais dont le bras droit était cloué à un arbre par une flèche lui transperçant le biceps et dont la jambe droit elle aussi était criblée de flèches, trois tout de son long. L’homme s’efforçait de se tenir debout malgré sa jambe blessée qu’il ne pouvait plus poser à terre et malgré son membre immobilisé. Les quatre personnes ayant été victimes des flèches des Pisteurs de Livio étaient vêtues comme des mercenaires, de protections de cuir et munis d’épées. Mais Livio les avait reconnu pour les avoir croisé à plusieurs reprises dans le sanctuaire des Ombres, ceux là étaient des assassins de la Confrérie à présent en guerre ouverte contre l’Ordre. Il leur était tombé dessus dans ces sous-bois dégagés, tentant de traverser les lignes de l’armée principale en contournant la Vallée des Sanglots par l’est.

-Coupez leurs mains droites et apportez les à Rénald en guise de preuve, ordonna Livio aux cinq Gardes de Fer qui accompagnaient sa petite troupe de Pisteurs, brulez ensuite les corps.

-On emmène le survivant à Fort Sarrack ? Demanda l’un des Gardes, faisant allusion au vieux château abandonné de l’Ordre sur la côte où Rénald avait installé sa prison secrète et où il faisait mener des interrogatoires sordides.

-C’est une Ombre, les Ombres ne parlent jamais, répliqua Livio d’un ton froid. J’ai déjà donné mes ordres, coupés leurs mains droites, celles avec leur Marque, puis brûlez-les.

Les Gardes regardèrent le capitaine avec hésitation avant de se mettre au travail, Livio resta là, à les regarder, tandis que ses Pisteurs derrière lui s’en allaient à leur camp, à quelques kilomètres au nord.

-Quelle cruauté mon doux Livio, susurra le fantôme de Saraphina à l’oreille de l’ancien Svarog. Sais-tu à quoi tu me fais penser ? A un animal, un animal sauvage et cannibale, tu dévores tes propres frères, ceux de ton espèce, sans la moindre pitié, sans le moindre remord. D’abord, tu as trahi les Svarogs, puis maintenant, tu t’en prends aux Ombres…qui sera le suivant sur ta longue liste mon tendre et abject amour ? L’une après l’autre, les petites lumières vont s’éteindre, soufflées par le vent glacial de ta douleur, ça ne sera plus très long. Cela prendra fin très vie, très bientôt…

Livio tourna lentement son regard vers Saraphina, mais elle avait déjà disparu. A quelques mètres de là, l’un des Gardes regarda le capitaine avec appréhension, de plus en plus, cet homme étrange semblait absent, comme absorbé par des pensées bizarres, plus d’une fois, il l’avait surpris à observer un espace vide, tendant l’oreille comme pour écouter le vent. Cet homme lui donnait la chaire de poule. Un des frères d’armes du Garde lui donna une petite tape sur son heaume afin de le rappeler à l’ordre et l’inciter à se concentrer sur leur tâche. Très vite, ils empilèrent les cadavres des trois morts aux pieds du survivant qui les regardaient avec des yeux remplis à la fois de colère, de peur et de folie. Ils vidèrent un flacon plein d’huile disposèrent du fourrage destiné aux chevaux sur les corps pour les aidés à mieux brûler. Puis, avec leurs pierres à briquets, ils condamnèrent l’Ombre ayant survécu à périr par les flammes avec ses camarades tombés avant lui. Même les Gardes de Fer s’éloignèrent afin de ne pas assister au spectacle. Mais Livio resta, le regard plongé dans le vide, tendant l’oreille, cherchant à entendre si Saraphina ne revenait pas lui murmurer quelques mots. Mais dans les bois, seuls les hurlements de l’Ombre résonnèrent.
Observant les cadavres s’embraser et l’Ombre brûler vive, Livio entraperçu des images, se superposant à la scène atroce devant lui. L’hôtel du Saule, lieu de massacre abject, là où les Ombres avaient exécuté tous ceux qui les avaient aidé à semer la discorde dans Perpignan alors que la ville sombrait dans la folie. Il se revit, serrant entre ses mains le cou de Saraphina, il sentait presque sa peau si douce sur ses doigts, les battements de son cœur se ralentissant, puis cessant totalement. Puis, des centaines d’images se succédèrent, certaines n’avaient pas le moindre sens, d’autres étaient des souvenirs revenus d’un passé fort lointain : des meurtres, des batailles, des charniers… En y repensant, Livio, dans un bref instant de lucidité, se demanda comment il avait fait jusqu’ici pour ne pas sombrer dans la folie plus tôt. Car il n’en doutait plus, il était en train de devenir fou, depuis les émeutes de Perpignan, les visions s’étaient succédées. Saraphina était sans cesse avec lui, s’il ne la voyait pas clairement de ses yeux éveillés, il entendait sa voix dans sa tête, ou bien il ressentait sa présence, sa chaleur dans son dos, comme si elle était perchée par-dessus son épaule, guettant ses moindres faits et geste, mais aussi ses pensées, comme si ses doigts aux ongles si fins et tranchants entraient dans sa tête et la déchirait de l’intérieur, lui provoquant d’atroces douleurs. La folie était là, il ne pouvait plus y échapper.
Mais si tel était le prix à payer pour servir Rénald, Livio l’acceptait de bon gré.
L’Ombre cessa de se débattre, son corps s’affaissa dans les flammes qui embrasaient à présent tout l’arbre auquel le cadavre calciné était cloué. Rénald avait déclaré la guerre aux Ombres après que les événements de Perpignan lui ait été reportés, Livio mènerait cette guerre par la terreur, même les pires assassins d’Europe craindraient très bientôt son nom.

***********************************

La Mère Noire observait les ténèbres en silence, tout autour d’elle, ses Ombres observaient le même mutisme, réunis dans la salle de son trône fait d’ossements, de marbre et d’or, elle contemplait l’obscurité. La jeune adolescente dodelina de la tête quelques secondes avant de centrer son attention sur ses sujets. Les choses ne se passaient pas assez vite, Rénald avait la fâcheuse habitude de maintenir la cohésion au sein de l’Ordre avec une vigueur incroyable, lorsqu’il n’inspirait pas à ses hommes un dévouement sans limite par ses faits d’armes, il les maintenait sous sa poigne par la force. Et, ces temps ci, l’Ordre était rassemblé par les deux à la fois : les exploits de Rénald dans la Vallée des Sanglots étaient encore dans les mémoires, mais en plus, il s’était mit à son service ses Gardes de Fer.
Les choses ne bougeaient plus, la guerre contre Toulouse stagnait, se résumant à quelques rixes anecdotiques entre les unités légères des deux camps.
La guerre civile devait commencer, et ce très rapidement, dans le cas contraire, les plans de Carole seraient très certainement compromis. Elle avait attendu trop longtemps pour que tout soit gâché à présent, elle ne supporterait pas que ses attentes soient frustrées, elle ne le tolérerait pas. Prise d’une rage aussi soudaine que démesurée, la jeune fille sauta de son trône et lança un hurlement mêlant fureur et folie, criant à la face des ténèbres, son visage rougi par la colère, sa robe noire glissant de ses épaules, laissant son corps à demi-nu alors qu’elle était prise de tremblements et s’agitait avec force, se tirant les cheveux, se griffant les bras et se mordant les lèvres pour faire taire son cri.
Vicente Valtiery, son plus fidèle serviteur, à présent Grand Dévot depuis qu’il avait égorgé son prédécesseur quelques jours plus tôt, s’approcha avec douceur et s’agenouilla face à elle.

-Maîtresse, nous attendons vos ordres, quelle est la volonté du Néant ?

-Vous savez très bien ce qu’il nous faut faire à présent, cracha-t-elle, encore en proie à la rage. Allez-y, lancez nos armées, ne vous arrêtez que lorsque la folie et la soif de sang se sera emparée de Rénald et de ses sujets, alors, le Don du Sang commencera réellement. Allez !

Vicente n’en attendait pas moins, à peine la Mère Noire eu-t-elle finit sa phrase qu’il se redressait et hurlait ses ordres aux Ombres attendant dans les ténèbres tout autour d’eux. Les assassins s’élancèrent dans les passages sombres, dans les tunnels qui serpentaient sous la terre, dans leur cachette la plus secrète. Des cris raisonnaient, des ordres lancés à tue-tête et des exclamations de joie perverse, la Guerre des Ombres allait commencer.
Dans les armureries, les assassins s’armèrent d’épées, de lances, de haches, d’arcs et de flèches, les Ombres s’équipèrent de cottes de mailles, de plastrons et de protections en cuir revêtus par-dessus leurs tuniques noires et leurs capes. Et à la nuit tombée, surgissant d’une des nombreuses entrées secrètes du Sanctuaire, une longue colonne s’élança dans la campagne enneigée, faite de silhouettes enveloppées de noir.
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MessageSujet: Re: Un long Hiver   Un long Hiver Icon_minitimeVen 8 Oct - 12:41

Dans le petit village du Haut-Couvert, les hommes et les femmes étaient rassemblés dans la longue maison communale, où chaque soir, les habitants se réunissaient afin de partager les nouvelles du jour et manger ensemble. Le Haut-Couvert ne comptait que sept familles, soit une quarantaine d’adulte et une dizaine d’enfants de moins de quatorze-ans, ceux-là dormaient déjà chez eux sous la surveillance de leurs mères, grands-mères ou grandes sœurs. Ainsi, les adultes pouvaient passer du temps ensemble durant les longues soirées d’hiver, à boire, manger et à chanter tandis que leurs enfants dormaient et qu’une demi-douzaine d’hommes garantissaient la sécurité du village, gardant la seule porte dans la grande palissade les protégeant du monde extérieur.
Ce soir, malgré la guerre qui sévissait et l’hiver qui se faisait rude, l’humeur était plutôt joyeuse, les récoltes dans la région avait été bonne et les combats n’avaient pas atteints cette partie des terres de l’Ordre. Ainsi, l’on pouvait dormir tranquille et manger à sa faim, compter des histoires du monde extérieur, ce qui pour les habitants du village englobait tout ce qui se trouvait plus loin que leurs champs, et passer du temps en famille et entre ami, sans avoir à se soucier de quoi que ce soit, à part de quelques bandits occasionnels. Cette nuit là, malgré les rires et les chants, il y avait dans un coin de la grande salle, une poignée d’hommes pour qui, la soirée ne prêtait pas à la bonne humeur.
Réunis autour de l’ancien du village, trois hommes discutaient avec sérieux de certains événements : quelques semaines plus tôt, une grande bataille avait eu lieu entre l’Ordre et Toulouse, au nord du village. Et selon les dires, les combats avaient été si violents que le lieu de la bataille avait été renommé « La Vallée des Sanglots ».

Cette information n’était pas récente, le village avait eu vent de ces combats à peine trois ou quatre jour après la fin de la bataille. Mais ce qui les inquiétait, c’était la présence des treize soldats toulousains qu’ils abritaient au sein même de leur village. Ces hommes étaient arrivés peu après la bataille de la Vallée des Sanglots, tous étaient sérieusement blessés et choqués, fuyant l’Ordre qui les poursuivait. Les prenant en pitié, le doyen les avait accueilli et leur avait prodigué des soins. Lentement, ces hommes reprenaient des forces. Mais à présent, la peur se rependait chez certains hommes, prenant conscience que si l’Ordre apprenait que le village abritait des soldats ennemis, les conséquences pourraient être graves pour leurs familles. Et à présent, cette peur se confirmait, car ces trois hommes qui conversaient avec le doyen avaient apprit que l’Ordre traquait les toulousains encore sur leur territoire, et quiconque abriterait l’ennemi serait sévèrement puni. Mais le doyen restait inflexible, tant que les toulousains ne seraient pas remis de leurs blessures, il refusait catégoriquement de leur demander de partir, quant à les dénoncer à l’Ordre, cela était hors de question.

La conversation se poursuivit un long moment, jusqu’à ce que soudainement, le silence se fasse dans la salle. Les quatre hommes se regardèrent sans comprendre, puis tournèrent leurs regards vers leurs familles, qui tous, fixaient l’encadrement de la porte d’entrée où une silhouette noire était apparue, se découpant dans la faible lueur de la lune réfléchie par la neige recouvrant le village. L’homme de grande taille, tout habillé de noir, pas une seule partie de son corps n’en étant pas recouvert, se déplaça, entrant dans la salle, tenant dans sa main un objet qu’il tendait devant lui comme pour présenter une offrande. L’objet sphérique pendait mollement, tenu par ce qui semblait être de nombreux fils dorés parsemés de rouge. L’homme lança l’objet qui rebondit sur le sol en terre battue et roula jusqu’aux pieds des villageois les plus proches. Soudain, des hurlements résonnèrent lorsqu’enfin, certains reconnurent la tête de l’une des filles du village, l’une des plus belles jeunes femmes, chargée de surveiller les jeunes enfants cette nuit là. Tous la connaissaient, l’aimaient et la complimentaient souvent sur sa longue chevelure dorée, désormais tachée de sang. La panique submergea les villageois lorsqu’une dizaine d’autres hommes en noir entrèrent, chacun tenant une tête qu’ils lancèrent à leur tour dans l’assistance.
Puis, après avoir répandu la terreur parmi les derniers survivants du village, les Ombres chargèrent, pas un seul ne devait survivre.

********************************************

Harold Harper observait ses hommes se détendre pour la première fois depuis des mois, et ce spectacle lui fit chaud au cœur. Rassemblés dans la maison commune du village de Mont-Sarte, ses Pisteurs reprenaient vie. Après des mois d’entrainements, des semaines de patrouilles, d’escarmouches et surtout après l’effroyable Bataille de la Vallée des Sanglots, ses hommes redevenaient des hommes, et non pas des pions que l’on bougeait sur un échiquier, sans la moindre considération.
La Bataille de la Vallée des Sanglots avait prélevé un lourd tribut dans les rangs de ses hommes, plus de la moitié des Pisteurs avaient péri lors des combats. Alors que leur mission première avait été de harceler l’ennemi à distance lors de la mêlée, les choses ne s’étaient pas du tout déroulées comme prévu. Au lieu d’être à l’écart des combats, une partie de la cavalerie toulousaine avait chargé les rangs des Pisteurs, et ils avaient été taillés en pièces. Insuffisamment équipés pour tenir en mêlée, et encore moins face à des cavaliers, les hommes de Harper avaient été balayé et repoussé jusqu’à l’arrière garde de l’Ordre. Sans l’intervention de la Compagnie du Vent qui avait volé à leur secours, Harper estimait que la brève histoire des Pisteurs de l’Ordre se serait achevée lors de cette bataille.
Se remémorant cette terrible bataille, la main d’Harold se mit à trembler, ses doigts se serrant autour de sa choppe pleine de bière, afin d’en contrôler les frémissements. Tant de vies gâchées, tant de talents partis en un clin d’œil, des jeunes gens que Harold avait juré de protéger, il les avait formé du mieux qu’il avait pu, il leur avait donné leurs armes, les avait mené au combat, il avait fait tout son possible…mais cela n’avait pas suffit. Son cœur se serra à cette pensée, il frémit en pensant à tout ceux qui n’étaient plus et d’un autre côté, remercia Dieu pour lui avoir permit à lui de s’en sortir.

La Bataille du la Vallée des Sanglots était encore un sujet tabou, nombreux étaient ceux qui refusaient d’en parler ouvertement, de confier à leurs camarades ce qu’ils y avaient ressenti, comment ils avaient traversé cet enfer et comment ils en étaient ressortis. Dans la vaste salle commune, les choppes de ses hommes furent bientôt remplies, servis par des villageoises circulant avec de grands pots pleins de bière, tandis que les hommes du village qui les avaient accueilli se faisaient servir eux aussi et conversaient avec les Pisteurs, mais aussi les hommes de la Compagnie du Vent, eux aussi présents.
Le capitaine Athanasios De Rhodes avait mené ses hommes aux côtés de ce qu’il restait des Pisteurs dans ce voyage à travers la campagne glacée de l’Ordre. Eux aussi avaient subi de lourdes pertes, et c’était dans cette optique qu’ils avaient prit la route ensemble, tentant de recruter des hommes là où ils le pouvaient, Harold ciblait en particulier les forestiers, les chasseurs et les guides, tandis que le capitaine De Rhodes cherchaient des hommes sachant monter à cheval et ayant une quelconque expérience de la guerre. Leurs recherches avaient été plutôt bien récompensées, Harold avait trouvé quelques hommes prometteurs, tous sachant manier l’arc et connaissant très bien les bois de la région, une vingtaine en tout, tandis que De Rhodes avait trouvé des spécimens rares : d’anciens mercenaires aussi adroit à cheval qu’avec un arc à la main ainsi que quelques hommes membres de milices locales, sachant très bien monter à cheval afin de garder les routes commerciales reliant Perpignan et Castelfort. Au final, les deux capitaines s’en tiraient plutôt bien, les effectifs de leurs compagnies ne reviendraient pas à leur niveau initial, mais ils parviendraient à réduire quelque peu les pertes subies lors de la terrible bataille.

A quelques pas d’Harold, le capitaine De Rhodes discutait avec un de ses seconds tandis qu’un villageois lui apportait un bol plein d’un potage fumant, plus que bienvenu par cette nuit froide et après des jours de voyage. Les deux officiers s’entendaient plutôt bien, malgré le caractère peu loquace d’Harold, les deux hommes s’estimaient suffisamment pour prendre en compte l’avis et les conseils de chacun et ils n’hésiteraient pas lorsque la situation l’exigerait à unir leurs forces à nouveau.
Après un moment d’hésitation, Harold grimpa sur une chaise afin de surpasser l’assemblée, près d’une centaine d’hommes et de femmes étant rassemblé ce soir là dans la salle commune du village, ses habitants les ayant accueillis à bras ouverts la veille. Voyant que leur capitaine voulait prendre la parole, les Pisteurs les plus anciens lancèrent des exclamations afin de réclamer le silence, sifflant afin d’attirer l’attention de tous.

-Merci les gars, grommela Harold lorsque le silence fut fait, puis, se forçant pour une fois à parler suffisamment fort et clairement, lui qui d’habitude s’exprimait plutôt par grognement, Harold commença à parler à toute l’assemblée. Mesdames et messieurs, habitants de ce charmant village qu’est Mont-Sarte, je vous présente à tous, une fois encore, nos remerciements les plus sincères pour l’accueil que vous nous faites.

A ces mots, de nombreuses exclamations approbatrices s’élevèrent dans les rangs des deux compagnies, suivis par des applaudissements et des rires, afin de saluer la générosité des villageois qui depuis deux jours à présents les avait accueilli.

-Nous sommes honorés par votre bonté à notre égard, et nous n’oublierons jamais quelle terre d’accueil fut Mont-Sarte par ces froides nuits d’hiver. Nous avons découvert ici des amis formidables, un feu chaleureux, et des assiettes aussi copieuses que délicieuses, c’est pourquoi je remercie d’ailleurs doublement les cuisinières qui ont élargi mon tour de taille.

Plusieurs hommes parmi les pisteurs rirent de bon cœur, il était rare que Harper fasse preuve d’humour, et encore moins d’autodérision, ceux qui le connaissaient appréciaient le caractère exceptionnel de cette remarque.

-Cependant, je souhaiterai également m’adresser à mes hommes, ainsi qu’à la Compagnie du Vent…poursuivit Harold, sa voix commençant à trembler légèrement. Et en tout particulier, ceux qui ont été présent il y a de cela quelques semaines, au Vallon aux Vergers.

Le silence fut alors total, comme si une ombre s’était abattue sur la salle, un sentiment commun de tristesse et de douleur à la mention de ce lieu désormais portant un autre nom.

-Là-bas, où règnent désormais les sanglots, nous avons traversé les flammes et échappés à la mort, mais durant cette épreuve, bon nombre des nôtres n’ont pas atteint l’autre côté de la rive…Nous avons perdu des amis, des frères d’armes, des compagnons de longue date, et nous ne pourrons jamais nous défaire de ce souvenir terrible.

A présent, plusieurs hommes pleuraient sans honte, certains laissant même échapper des gémissements en serrant leurs visages entre leurs mains. C’était une chose pénible de se remémorer de tels événements, et Harold se demanda s’il n’aurait pas mieux fait de garder le silence plutôt que de gâcher cet instant d’insouciance, mais au fond, il savait qu’il avait fait le bon choix, cela devait être fait, pendant trop longtemps, l’on avait gardé le silence sur ce terrible événements.

-Mais, souvenez-vous tous, que tout ceux qui nous ont quitté sont morts pour que nous, nous puissions vivre et parvenir jusqu’ici, au sein de ce village si chaleureux. Tout ça pour vous dire, que ce soir, je lève mon verre à tout ceux qui sont tombés, ceux qui ne sont pas là pour savourer cet instant, ceux qui sont morts pour que nous puissions vivre et les honorer. Harold leva haut sa choppe, et prit une grande inspiration avant de dire : aux absents.

Tous les soldats et même les villageois l’imitèrent et levèrent leurs verres, répétant ces mêmes mots : aux absents.
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MessageSujet: Re: Un long Hiver   Un long Hiver Icon_minitimeVen 8 Oct - 12:42

La réunion s’acheva tardivement, lorsque Bertrand sortit de la grande salle où il avait longuement suivi les paroles de Rénald et de ses subalternes, il se sentit épuisé, de la tête jusqu’aux orteils, la moindre partie de son corps semblait engourdie par la fatigue. Les officiers se dispersaient dans le bâtiment, se dirigeant vers leurs appartements respectifs pour les plus chanceux, quant aux autres, ils repartaient en mission, malgré la neige, la guerre se poursuivait malgré tout. Le gros des armées de l’Ordre et de Toulouse restaient cloués sur place par le froid et le terrain impraticable, mais de nombreuses petites compagnies étaient envoyées en reconnaissance au-delà des lignes ennemies ou bien chargées de mener des raids sur les avant-postes toulousains.
Ce soir là, Bertrand allait bel et bien pouvoir dormir sous un toit, auprès d’un poêle d’où un feu crépitant et réconfortant allait lui envoyer sa chaleur et le réchauffer. Malgré son épuisement général et Rénald qui avait pratiquement ignoré les remarques de Bertrand tout du long de la réunion, le commandant De Lorraine se sentait extatique à l’idée de pouvoir s’allonger dans des draps propres et de s’abandonner au sommeil pour au moins sept ou même huit heure, si Dieu voulait bien lui sourire.

Cependant, au détour du dernier couloir le séparant de sa chambre, tous les espoirs du commandant s’envolèrent, balayés comme un tas de feuilles par le vent, lorsqu’il vit Roland, adossé à la cloison séparant ses appartements du couloir, l’attendant manifestement depuis un moment. Le jeune noble toulousain le regarda arriver et ne lui laissa pas dire un mot, lui faisant un signe de tête afin de l’inciter à le suivre en silence. Renonçant avec désespoir à sa couchette qui l’attendait à quelques pas seulement, Bertrand acquiesça et emboita le pas à son ancien rival qui l’emmena à travers un dédale de couloirs. Le quartier général du campement était bâtit autour d’une seule salle, celle où avait eu lieu l’interminable réunion de ce soir, où vivait, dormait et d’où Rénald lançait tous ses ordres à ses armées. Ainsi, les couloirs et les pièces, généralement de superficie très modeste, semblaient former un cercle autour de la salle de réunion. Même si l’architecture du bâtiment était assez rudimentaire : quelques étages tournant sans cesse autour d’une vaste salle centrale qui s’étendait sur toute la hauteur de la bâtisse, dans la pratique, n’importe qui venant à y poser les pieds pour la première fois pouvait très bien se retrouver rapidement perdu. Ces innombrables couloirs particulièrement étroits et ces si nombreux petits alcôves, servant de chambres pour les officiers, formaient un véritable petit labyrinthe de bois où il était facile de s’égarer.
Après de nombreux détours à travers le bâtiment, Roland pressa subitement le pas, forçant presque Bertrand à courir afin de ne pas se faire distancer, jusqu’à ce que le toulousain enfonce littéralement une porte donnant sur l’extérieur. Là, les deux hommes longèrent le quartier général sur quelques mètres avant de s’élancer vers une mer de tentes et de se fondre parmi les soldats encore debout à cette heure avancée. Jetant des coups d’œil inquiet aux alentours, Roland le fit traverser la majeur partie du campement de l’Ordre, jusqu’à enfin arriver à destination. S’arrêtant face à un abri de bois et de tissu, s’étendant plus en longueur qu’en hauteur, si bien qu’un homme de grande taille aurait dut s’y baisser, Roland attrapa les pans de draps de l’une des cloisons de la bâtisse et le souleva en invitant Bertrand à le suivre. Sans hésiter, le commandant s’y engouffra, pour arriver dans une antichambre, séparant l’intérieur de l’abri de l’air glacial de l’extérieur, et à son tour, Bertrand souleva les tissus face à lui afin de pénétrer dans une petite pièce.

Allongé sur un lit, recouvert de fourrures jusqu’au cou, le teint pâle, le Connétable Charles de Bretagne le regarda entrer et lui fit un vague sourire en clignant ses yeux déjà à demi ouverts.

-Merci d’être venu Bertrand, murmura le vieux guerrier, vous n’avez pas été suivi ?

-J’ai tout fait pour que ce ne soit pas le cas mon seigneur, le rassura Roland en s’avançant au chevet du vieillard.

-Espérons que cela ait été suffisant, poursuivit Charles, de sa voix rauque et affaiblie par la maladie.

Bertrand rejoignit Roland auprès du Connétable, qui, quelques jours seulement après avoir rejoint le campement était tombé gravement malade. Charles était revenu deux semaines après la bataille de la Vallée des Sanglots, apportant avec lui des nouvelles de victoires au nord-est, lui qui avait repoussé aux côtés des troupes du duché de Béziers à repousser les toulousains pour l’hiver. Mais à présent, le général revenu en héros était alité, son teint cireux et sa fièvre témoignant de son état d’affaiblissement. En plus de toutes ses incertitudes, la maladie de Charles de Bretagne, l’un des derniers contemporains encore vivant de Sopraluk, était un coup dur pour Bertrand, sans le soutien de cet homme, comment pouvait-il faire quoi que ce soit ?

-Bertrand, as-tu rassemblé beaucoup de partisans lors de ta mission ? Demanda le vieil homme, articulant difficilement chaque mot, les chuchotant à peine assez fort pour être entendu.

-Les recrues que j’ai rassemblé me seront certainement plus loyales à moi qu’à Rénald, mais je ne peux me prononcer en ce qui concerne les nobles de Castille et d’Aragon qui m’ont promis leur soutien à l’Ordre…au mieux, ils ne se retourneront pas contre nous dans l’hypothèse où nous nous soulèverions.

-Tu doutes encore… Murmura Charles en fermant les yeux, puis, son corps se souleva et le vieil homme se mit à tousser avec force, une toux rauque qui glaça le sang de Bertrand.

Le vieux guerrier se leva à moitié sur son lit, serrant sa bouche entre ses doigts amaigris, alors que deux jeunes femmes se précipitaient dans la pièce, passant par des ouvertures à travers les draps, menant aux autres pièces de l’infirmerie. Les deux soignantes aidèrent Charles à boire un grand gobelet d’eau et le forcèrent à s’allonger à nouveau lorsque sa quinte passa. Son visage déjà livide semblait avoir prit une teinte bleuâtre tandis que de la bave mêlée à un peu de sang coulait sur son menton et sa barbe. Les femmes lui épongèrent le visage avec délicatesse tandis que Charles reprenait des couleurs.

-Et dire qu’il a fallu que je sois dans cet état pour recommencer à intéresser de jeunes et belles femmes, s’exclama le connétable en parvenant malgré son affaiblissement à faire un clin d’œil à la plus jolie femme qui lui passait un drap humide et chaud sur le front.

Bertrand ne put s’empêcher de sourire face au vieil homme qui se montrait à la hauteur de sa réputation, tentant malgré tout de séduire les femmes le soignant, allant même jusqu’à soulever sa main droite en direction du derrière de la plus proche lorsqu’elles s’en allèrent s’occuper d’autres patients. Le sourire du commandant s’évanoui lorsqu’il vit le bras du connétable s’abaisser faiblement, incapable de poursuivre ce geste jusqu’à sa cible, trop faible pour y parvenir.

-Bertrand, tu devras le faire, tôt ou tard, bredouilla Charles lorsqu’ils furent seuls à nouveau. Rénald ne doit pas rester au pouvoir, tu ne peux le laisser faire, il conduira l’Ordre à sa ruine.

-Mais comment ? Demanda Bertrand en se laissant tomber à genoux auprès du vieil homme. Il est tout puissant ou presque, il a l’autorité, le pouvoir, il a des alliés, et maintenant, le soutien des hommes. C’est impossible…

Avec une vitesse et une force inattendue, Charles saisit Bertrand par le col de sa tunique et le secoua avant de le plaquer presque contre son visage.

-Survivre aux hordes Svarogs en Hongrie, rassembler les miettes de nos armées en déroute et les unir pour les mener à la victoire, voilà une tâche impossible, pourtant, tu l’as accompli avant même d’être capitaine ! Traquer les mercenaires et renégats byzantins à travers l’Empire, découvrir la tanière de leurs généraux et survivre au sac de Constantinople face à cinq mille renégats avec seulement deux cent hommes, cela était impossible, pourtant tu l’as fais ! Rapatrier nos hommes démoraliser à travers l’Europe jusqu’à nos terres, préserver en eux l’étincelle de fierté et de courage nécessaire afin de chasser les brigands qui infestaient notre domaine, cela était impossible, et encore une fois, tu l’as fais ! Alors que je ne te prenne plus à te résigner sur ce que penses être impossible.

D’un geste rageur, Charles repoussa Bertrand, le regardant avec colère, ses lèvres crevassées tremblantes.

-A chaque fois que tes hommes ont eux besoin de toi, tu as été là Bertrand, même si cela paraissait impossible. Aujourd’hui, ils vont avoir besoin de toi plus que jamais, alors cesse de faire l’enfant et accepte ton fardeau, comme nous tous devons le faire ! Tu dois…

Mais à nouveau, Charles fut prit d’une quinte de toux féroce, secouant son corps amaigri et faisant accourir ses infirmières. Pendant de longues minutes, Charles continua de tousser, crachant par moment des caillots de sang, durant des minutes d’impuissance pour Bertrand et Roland qui ne purent que l’observer avec douleur, se débattre contre son corps fatigué et usé. Finalement, le vieil homme se rallongea, respirant difficilement, la salive et le sang dégoulinant de ses lèvres. L’une des infirmières pria d’une petite voix les deux officiers d’écourter le plus possible leur entretien qui sapait les forces du connétable. Lorsque les deux femmes quittèrent la pièce, Charles fit signe à Bertrand de s’approcher à nouveau. De Lorraine s’agenouilla auprès du Connétable qui murmura quelques mots inaudibles, si bien que Bertrand fut presque obligé de coller son oreille aux lèvres du vieil homme afin de le comprendre.

-Bertrand, n’oubli pas ce qu’il a fait…il a fait tuer De Caen, et j’en ai peur, mon vieil ami Polani également… Et avec De Cecina qui nous a communiqué la mort présumée de De York…je crains que la liste des méfaits de Rénald ne fasse que s’allonger. Tu sais de quoi il est capable…jusqu’où il ira pour s’assurer le contrôle de l’Ordre et jusqu’où il poussera le conflit actuel par simple orgueil…
Il doit être stoppé…tu dois le stopper.

-Je ne sais pas si j’en suis capable… Murmura Bertrand, tremblant de tous ses membres, confronté à ses doutes. Même si je le faisais…je ne pourrais pas vaincre Rénald.

-Trouve la force de le faire, elle est en toi et en les hommes qui croient en toi…ils sont nombreux à attendre ton appel…à croire en toi…même tes ennemis connaissent ton nom et de quoi tu es capable…il n’y a que toi qui l’ignore encore.

-Je ne pourrais pas le faire sans vous pour me guider Charles, répondit Bertrand, les larmes aux yeux. Je n’y arriverais pas seul, pas tant que vous serez si malade. Nous avons besoin de temps.

Charles regarda Bertrand avec un air étonné et à la fois contrit, ses lèvres fendues s’étirèrent faiblement en un sourire désabusé.

-Je crois que, toi et moi, nous n’en ayons plus beaucoup…

Lentement, Charles reposa sa tête sur ses oreillers et ferma les yeux, se plongeant dans un sommeil agité par la fièvre. Bertrand resta à son chevet quelques minutes, attendant au cas où le vieil homme se réveil, jusqu’à ce que Roland lui pose une main sur son épaule pour l’entrainer au dehors, laissant derrière eux Charles de Bretagne dont la vie s’échappait à chacune de ses respirations.

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SquallDiVeneta
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MessageSujet: Re: Un long Hiver   Un long Hiver Icon_minitimeVen 8 Oct - 12:42

Petit à petit, l’humeur était revenue dans la salle commune du village de Mont-Sarte. Après l’hommage rendu aux hommes tombés à la Vallée des Sanglots, les Pisteurs et la Compagnie du Vent avait entonnée des chants afin de saluer la mémoire de ceux qui avaient pari quelques semaines plus tôt. Ce fut un spectacle aussi déroutant qu’envoutant que d’entendre ces voix s’élever avec mélancolie, entonnant des chants dans divers langues, et même si les paroles n’étaient que rarement comprises par tous, tant de soldats d’origines différentes se trouvant dans la salle commune, le message qu’ils voulaient transmettre était parfaitement compris lui.
Mais lorsque les derniers chants dédiés aux camarades tombés au combat cessèrent, quelques soldats entonnèrent d’autres chansons, parlant de soldats s’en allant à la guerre, gardant une intonation triste, mais au rythme plus entrainant, et au fur à mesure des chants, les paroles se furent de plus en plus légères. Au bout d’une heure, la joie était de retour, les hommes mangeant et buvant à nouveau, riant, parlant entre eux et narrant leurs exploits passés, quelques peu enjolivés pour certains, et rendu carrément extraordinaires chez d’autres.

Harold était satisfait, sentant qu’il avait accompli son devoir, permettant aux cœurs de se soulager quelque peu, se délestant du poids du silence qui avait voilé jusque là le souvenir de la terrible bataille qui avait marqué les esprits. A présent, il savourait une choppe de bière, adossé à un mur à l’écart des hommes, gardant un œil sur eux afin de pouvoir intervenir en cas de débordements. Même s’il faisait confiance à ses hommes pour se tenir quelque peu, il se méfierait de ses nouvelles recrues pendant quelques semaines, le temps qu’il apprenne à les connaitre et qu’il les forme. Il était presque impatient de repartir en manœuvre, dans la forêt, afin de voir de quoi ses nouvelles troupes étaient capables, il espérait pouvoir tirer d’eux des résultats satisfaisants d’ici un mois ou deux. Mais pour l’instant, il les laisserait profiter de cette soirée, ça serait leur dernière avant un sacré moment.
Sentant ses jambes s’engourdir à force de rester immobile, Harold décida d’aller faire quelques pas à l’extérieur.

S’aventurant à l’extérieur de la salle communale, Harold se mit à déambuler dans les petites rues recouvertes de neige du village. Il n’y avait pas plus de cent cinquante habitants à Mont-Sarte, pourtant, la petite communauté était défendue des dangers extérieurs par une haute palissade munie de seulement deux entrées, une au nord et une au sud-est. Les maisons s’étendaient le long d’un axe principal, nord sud-est, allant d’une porte à l’autre, tandis que quelques petites ruelles couraient entre les bâtisses pour mener à d’autres chaumières en retrait. Ici et là, Harold voyait quelques ombres fugitives de soldats ou de fermiers qui s’échappaient, accompagnées par d’autres plus fines, celles des jeunes femmes du village qui les entrainaient chez elles tandis que leurs parents, ou même leurs maris, étaient dans la salle commune à boire et à s’amuser. Harold s’en amuse avant de s’en inquiéter, il espérer ne pas avoir à calmer les justes colères de quelques habitants furieux d’avoir vu leurs filles se faire dévergonder par des soldats de passage. Mais après tout, il n’y pouvait rien pour l’instant, alors il se mit à marcher jusqu’à un tronc d’arbre abattu au détour d’une rue et s’y installa pour contempler les étoiles en serrant sa longue cape autour de lui. La nuit défilait lentement, et le ciel étoilé était parfois traversé par quelques nuages solitaires, tandis que la lune presque pleine projetait une pâle lumière sur ces terres enneigées, si bien qu’on y voyait comme lors d’une aube de printemps survolée par un épais manteau de brouillard. Chaque silhouette se dessinait comme la forme diffuse d’un spectre se mouvant dans les ténèbres, donnant une allure surnaturelle au village. Plusieurs rires et chants s’élevaient encore de la salle commune, signe que tout allait bien.
Mais soudain, Harold perçut d’autres cris, ceux là plus agités, venant du nord, de la porte principale du village. Ce n’étaient pas des hurlements affolés, mais plutôt des instructions criées avec beaucoup d’autorité, un mauvais sentiment se dessinant dans l’esprit de Harold, ce dernier se leva de son siège de fortune qui lui glaçait les fesses au travers de son pantalon et s’en alla en courant à la maison où il avait été accueillit pour la nuit, et où il avait laissé son arc long, ses flèches et son épée.
Surgissant dans la chaumière sans frapper, Harold interrompit l’un des officiers de De Rhodes, en pleine séance de câlins avec une villageoise, le soldat poussa un juron indigné avant de reconnaitre celui qui les avait surpris.

-Plus tard les embrassades, lança Harper sans regarder le couple, il y a du mouvement à la porte Nord. Allez prévenir tout le monde.

Sans un mot de plus, Harold se saisit de son équipement et s’en alla en courant vers la porte Nord qu’il rejoignit en quelques enjambées, entendant de plus en plus distinctement les voix de l’autre côté.

- Ouvrez ces portes, au nom de l’Ordre ! Hurla une voix autoritaire.

A l’intérieur de l’enceinte, le paysan chargé de surveiller l’entrée du village semblait paniqué, incapable de réagir aux événements. Voyant cela, Harper prit l’incitative d’intervenir et cria : « Je suis le Capitaine Harper, de la compagnie des Pisteurs de l’Ordre, qui est votre capitaine et à quelle compagnie appartenez-vous ? »

- Je suis le Capitaine Von Kassel ! Répondit avec fermeté la voix à l’extérieur de la palissade, et au nom du seigneur Rénald de Hauteville, je vous somme d’ouvrir ces portes !

Harold pesta à voix basse, Von Kassel et sa Garde de Fer, le chien de Rénald, qui manifestement venait d’abandonner le sobriquet « d’Antioche » au profit de celui que portait son père autrefois, « de Hauteville ». Si Von Kassel était là, cela voulait dire que les ennuis ne tarderaient pas non plus.

- Va prévenir les autres, ordonna Harold au villageois à ses côtés, toujours tremblant, plus à cause de la peur que du froid.

Le jeune homme s’enfuit dans la neige, accourant vers la salle communale où la fête se poursuivait. Alors que Harold s’apprêtait à déplacer la poutre de bois qui maintenait closes les portes durant la nuit, un coup sourd et violent ébranla la palissade, puis un autre suivit, faisant voler des échardes des portes de bois. Au sixième, la poutre servant à bloquer les portes vola en éclats et ces dernières s’ouvrirent, dévoilant une demi-douzaine d’hommes manipulant un bélier à tête de fer. Tous étaient vêtus de noir, de mailles et de capes, un foulard masquant partiellement leurs visages : les Gardes de Fer.
Ceux-ci posèrent leur bélier à terre et s’écartèrent, laissant entrer dans le village une colonne de leurs semblables en armes, avec à leur tête, Otto Van Kassel, tel un général victorieux entrant dans une cité occupée. Trop surpris pour réagir, Harold regarda le Capitaine des Gardes de Fer s’approcher de lui, avec une lueur de colère froide dans les yeux.

- Capitaine Harper, pourquoi n’avez-vous pas ouvert les portes ? Le questionna Von Kassel d’une voix contrôlée, mais masquant à peine son mépris.

- Si vous m’en aviez laissé le temps je l’aurais fait volontiers ! Répliqua Harold avec froideur.

- Cela faisait cinq minutes que nous exigions que les portes nous soient ouvertes, mais peu importe, nous étions préparés à avoir quelques portes à enfoncer comme vous l’avez constaté.

Derrière les deux capitaines, la colonne de soldats s’arrêta, près de deux cent hommes suivant Von Kassel, les Gardes avaient un air sinistre, ainsi dans l’obscurité de la nuit, entièrement vêtus de noir et leurs visages masqués, leur donnant une allure et une présence inquiétante.

- Nous avons ordre de patrouiller dans le secteur à la recherche de tout traître abritant des ennemis de Rénald et de notre Ordre, annonça Otto avec fermeté, et vous Capitaine, que faites-vous ici ?

- Ces gens ne cachent personne ici ! Objecta Harold avec colère, ce ne sont pas des traitres, vous n’avez rien à faire ici !

- Ça, ce sera à moi seul d’en juger, et vous n’avez pas répondu à ma question, Capitaine, gronda Von Kassel d’un air menaçant, semblant penser que son autorité surpassait celle de Harold. Que faites-vous ici ?

Sentant la colère monter de plus en plus en lui, Harold fit un pas en avant, surplombant Von Kassel de toute sa taille, faisant presque une tête de plus que lui, bien que le germain soit plus puissamment bâti, les deux hommes se fixant avec défi.

- Capitaine Von Kassel ! Cria une voix derrière les deux hommes, le Capitaine De Rhodes se précipitant en courant vers eux, suivi de sa compagnie et des pisteurs, et s’interposant entre les deux hommes. Ma compagnie et celle du Capitaine Harper sommes en patrouille également, nous avions aussi pour mission de reconstituer nos rangs en engageant toute bonne âme capable et prête à rejoindre nos compagnies, ces braves gens nous ont accueilli à bras ouverts. Ils nous ont offert leur nourriture et un toit pour la nuit, il n’y a aucune raison de les soupçonner d’être de mèche avec Toulouse.

Faisant preuve d’une grande diplomatie, Athanasios parvint à séparer les deux hommes qui ne se lâchèrent du regard qu’après un long moment, Von Kassel se tourna vers le grec et lui répondit avec le même dédain qu’il avait eu pour Harper.

- Comme je l’ai dit à votre camarade, c’est à moi d’en juger.

Sans rien ajouter à ces mots, Von Kassel poussa les deux capitaines sur le côté et poursuivit sa route vers le centre du village, suivi par son escorte, les Pisteurs et la Compagnie du Vent s’écartant de leur passage, cette scène leur semblant trop irréelle pour réagir autrement qu’en simples spectateurs. Les Gardes formèrent un carré sur la place centrale du village, là ou d’ordinaire avait lieu les fêtes, les cérémonies et les marchés lorsque le temps y était plus propice.

- Vous savez ce que vous avez à faire, faites sortir tout le monde, fouillez les maisons de fond en comble, ne laissez rien ni personne vous échapper ! Exécution ! Ordonna Von Kasell.

Aussitôt, une moitié de la troupe se mit en mouvement, formant des petits groupes de soldats qui se dirigèrent vers chaque maison dans lesquelles ils pénétrèrent, fracassant les portes et hurlant des ordres aux résidents. Pendant ce temps, l’autre moitié de l’escorte de Von Kassel sembla se disperser, mais en quelques secondes, Harold réalisa qu’ils venaient de former un cercle presque parfait, et qu’au fur à mesure que les maisons étaient évacuées, les villageois étaient emmenés au centre de cercle, comme des prisonniers.
Plusieurs hurlements de frayeur et de colère retentirent dans le village, tandis que les Gardes faisaient sortir de leurs maisons les villageois qui s’étaient barricadés chez eux lorsqu’Harold avait fait prévenir ces derniers qu’il y avait un problème à la porte. En quelques minutes seulement, tous les habitants étaient encerclés par les soldats de Von Kassel, qui observait la scène à distance, tandis que Harper et De Rhodes assistaient à tout cela de loin, comme oubliés de tous.

- Capitaine, je vous répète que ces gens n’ont rien à se reprocher, tout cela est inutile ! Dit Athanasios, tentant de raisonner Von Kassel qui ne daigna même pas à le regarder.

- Si cela est vrai, nous repartirons aussitôt l’inspection achevée. Répliqua t-il avec condescendance.

Les villageois étaient partagés entre la frayeur et la colère, se voyant ainsi traités tandis que les soldats retournaient leurs maisons où de grands bruits résonnaient.

- Capitaine, nous avons trouvé beaucoup de nourriture ici ! Alerta un Garde revenant de la salle commune où la fête avait lieu quelques minutes auparavant.

- Ces gens nous ont invité à un banquet pour soulager nos peines et notre fatigue ! S’exclama Athanasios dont la diplomatie diminuait au fur à mesure. Cela-est-il interdit ?

- Non, mais s’ils peuvent se permettre de tels excès au cours d’un hiver aussi rude, alors cela veux dire que l’Ordre est bien généreux…ou bien Toulouse l’est- il. Qui sait d’où cette nourriture vient ? Dans tout les cas, nous saisissons ces denrées pour soutenir l’effort de guerre ! Annonça Von Kassel d’une voix forte aux villageois qui se lamentèrent d’être ainsi privés du fruit de leur travail.

- Vous n’avez pas le droit espèce de salopard ! S’emporta Harper en s’avançant vers Von Kassel avec fureur.

Aussitôt, une vingtaine de Gardes s’interposèrent entre leur Capitaine et Harper, leurs lances en directions du norvégien.

- Harold, stop ! Le retint Athanasios, le rattrapant et le forçant à s’arrêter tandis que derrière eux, les Pisteurs s’emparaient de leurs arcs à la vue de leur Capitaine ainsi menacé. Ne fais pas cette bêtise !

En quelques instants, tout sembla se figer lorsque les Gardes de Fer abandonnèrent leurs tâches et se précipitèrent pour former un mur de boucliers et de lances face au Pisteurs et à la Compagnie du vent qui s’emparèrent de leurs armes, bien que la moitié d’entre eux n’avaient pas l’intégralité de leur équipement. Certains n’ayant à leur main que de simples couteaux, et la plupart ne portant que de simples tuniques, n’ayant pas eu le temps d’enfiler leurs armures.

- Capitaine Harper, Capitaine de Rhodes, je vous conseil vivement de jeter vos armes et de coopérer avant que je prenne des mesures plus drastiques à votre égard, les menaça Von Kassel. Vous êtes à deux doigts de passer du statut de capitaine à celui de traître, Capitaine Harper, ne faîtes rien que vous pourriez regretter amèrement.

- Vous n’avez pas l’autorité pour me mettre aux arrêts, cracha Harold avec un sourire mauvais, seul un supérieur peut relever de son autorité un officier au sein de l’Ordre.

- Ce décret, signé de la main de Rénald de Hauteville, le Maître de notre Ordre, me donne l’autorité absolue sur tous les membres de l’Ordre, qu’il soit connétable, intendant, officier, soldat ou simple serf. Déclara Von Kassel et levant dans sa main un manuscrit frappé du sceau de Rénald.

Harold grimaça, il avait entendu parler de ces décrets que Rénald avait distribué à certains hommes de confiance, il savait que Adrian Gordon en avait obtenu un plusieurs mois auparavant, ainsi que d’autres, mais il ne savait pas que Von Kassel en détenait un… jusqu’à maintenant. Que cet enfoiré soit doté d’un pouvoir si grand était catastrophique.

- Et si cette autorité là ne vous suffit pas…

Otto mit ses doigts dans sa bouche et émit un long sifflement, fort et strident, qui résonna dans la nuit. Aussitôt, le bruit des bottes martelant le sol et du fer s’entrechoquant se fit entendre, et derrière les deux compagnies réunies face à Von Kassel, une cinquantaine d’autres Gardes de Fer surgirent des portes enfoncées du village, prenant à revers les hommes de De Rhodes et de Harper, les encerclant à leur tour.

- Baissez-vos armes. Ordonna Athanasios avec regret, allez…

Les hommes obéirent, se résignant à voir les villageois qui les avaient si bien accueillis se faire maltraiter sous leurs yeux, impuissants. En quelques instants, les Gardes de Fer confisquèrent leurs armes aux deux compagnies.

- Vous auriez dû vous montrer aussi raisonnable que votre camarade, Harper, lança Von Kassel. Mais comme vous vous êtes rendus, je vais me montrer clément, je ne vous accuserai pas de trahison, en revanche, je me vois contraint à vous destituer de votre rang, de vos privilèges, et vous chasse de l’Ordre dès à présent.

Trop choqué pour réagir, Harold fixa Von Kassel, ne parvenant pas à assimiler ce qui venait de lui être annoncé, s’attendant à ce que les mots dans son esprit changent, qu’il réalise qu’il s’était trompé, que ce qu’il avait entendu n’était pas la vérité.

- Capitaine, ce n’est pas possible… murmura un pisteur près de lui.

-Il n’est plus votre capitaine désormais, il n’est plus rien ! Cria Von Kassel, ayant saisi les paroles du pisteur. Je vous interdis de parler à ce vagabond soldat, qu’il soit entendu que parler à un Destitué est puni par nos lois !

D’autres pisteurs s’apprêtèrent à implorer leur Capitaine, mais Harper secoua la tête, les incitant à ne rien dire.

-Lieutenant Mend, arrachez à cet homme ses insignes et son tabard ! Ordonna Von Kassel au lieutenant Sacha Mend, le bras droit de Harper au sein des Pisteurs.

Le Lieutenant s’avança devant Harper, baissant les yeux pour ne pas avoir à croiser son regard.

- Vous n’y êtes pour rien Lieutenant, murmura Harold, allez-y, les hommes auront besoin de vous… C’est à vous de veiller sur eux à présent…

D’un coup sec, Sacha arracha l’insigne de capitaine sur l’épaule droite de la tunique de Harold qui ôta lui-même son tabard sur lequel étaient représentés les armoiries de l’Ordre et des Pisteurs.

-Vous n’êtes plus un chevalier, lança Von Kassel avec autorité, tous vos biens vous sont confisqués et vous êtes sommés de quitter nos terres, si d’ici sept jours, l’on vous trouve à errer en ces lieux, vous serez exécuté. Je vous suggère de profiter du temps de clémence qui vous est accordé pour partir dès à présent, qui sait, avec la neige, votre route jusqu’à une terre d’asile risque d’être long…

Tous les yeux braqués sur lui, Harper fit quelques pas en arrière, croisant les regards de ses hommes, le voyant partir avec détresse. Puis, après un dernier signe de tête à Athanasios de Rhodes, puis à Sacha, Harper se retourna et s’en alla, dans la nuit et le silence.
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MessageSujet: Re: Un long Hiver   Un long Hiver Icon_minitimeVen 8 Oct - 13:48

Ca c'est du retour !!

Je lis ça de suite ! rendeer
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MessageSujet: Re: Un long Hiver   Un long Hiver Icon_minitimeVen 8 Oct - 19:22

Il semblerait que je n'ai pas lu la fin... Ce sera pour ce soir après NCIS ^^
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MessageSujet: Re: Un long Hiver   Un long Hiver Icon_minitimeSam 9 Oct - 0:09

Mais pourquoi j'ai décidé que Von Kassel ne meurent au Vallon... Ça laisse un peu de piment pour la suite ^^
La révolte va éclater Razz Mais est-ce que Rénald ne fait pas finalement une erreur avec Von Kassel et ses Gardes de Fer qui vont se mettre tout le monde à dos ?
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MessageSujet: Re: Un long Hiver   Un long Hiver Icon_minitimeMer 13 Oct - 9:59

La petite patrouille de l’Ordre campait pour la nuit au bord d’une petite colline, à mi-chemin entre Fort Bertrand et Castelfort, à quelques mètres de la route dont ils étaient censés assurer la sécurité durant les travaux de pavage, rendus très difficiles par la neige et le froid qui avait gelé le sol. C’était une mission très simple et très ennuyeuse, mais les hommes n’en étaient que plus heureux. Au Nord-Ouest, la guerre s’était peut-être arrêtée jusqu’à ce que les neiges fondent, mais personne n’avait envie d’être là-bas lorsqu’il serait temps de retourner à l’affrontement. Tous avaient eu vent des atrocités commises par les toulousains à Fort Quentin, aux Champs Dorés, puis à la Vallée des Sanglots. Etre ainsi placé à l’arrière, se gelant les fesses à regarder quelques ouvriers se saigner à placer des cailloux dans le sol aussi dur que la pierre, jouant aux cartes et picolant à toutes heures de la journée, c’était largement suffisant pour contenter Wladyslaw de Bran, du moins pour un temps.
Car au fond, le géant hongrois commençait tout de même à s’emmerder, il avait besoin d’une bonne bagarre, et vite, avant de devenir dingue et de se mettre à cogner sur les ouvriers pour se défouler, ce qui ralentirait le rythme des travaux et rendrait son séjour ici encore plus long.
Il n’avait participé qu’à quelques affrontements mineurs contre les toulousains, loupant les Champs Dorés, Fort Bertrand et la Vallée des Sanglots, mais même lui avait presque été soulagé d’échapper à cette dernière. Il avait horreur que l’on trouble son sommeil par des gémissements de pathétiques fillettes… et puis les toulousains s’étaient cassés à peine la première journée de combats achevée, à quoi bon foutre le camp lorsque les choses deviennent enfin intéressantes ? Non, il était bien là ou il était, du moins pour quelques jours encore. Il n’aimait pas se battre en hiver, le froid qui engourdissait ses membres lui faisait moins ressentir les coups donnés dans les faces de ses ennemis, la neige le faisait glisser et il avait un jour bien failli s’empaler sur l’épée d’un mort à cause du verglas. Et puis, souvent en hiver, les ennemis fuyaient les combats… Non, vraiment, Wladyslaw n’aimait pas l’hiver.

- L’hiver, c’est une vieille salope qui crie stop alors qu’on commence seulement à prendre son pied ! S’exclama Wladyslaw à voix haute, cependant, sans attirer l’attention de ses camarades d’infortune qui connaissaient bien son tempérament depuis le temps. Saloperie de froid, saloperie de neige, et saloperie de pays où on se fait chier !

- Si c’est tout ce que tu as à dire Wlad, couche-toi et laisse-nous jouer, s’emporta un des joueurs réunis autour du feu où avait lieu leur partie de carte. S’il-te plait… s’empressa-t-il d’ajouter cependant, réalisant à qui il parlait et ce qu’il risquait.

Wladyslaw grogna avant de jeter ses cartes. De toute manière il perdait, et malgré cela, il n’était pas d’humeur à déclencher une bagarre juste pour le plaisir. Il commençait à manquer d’alcool et puis il avait fini par s’attacher à la plupart des gars avec qui il se trouvait, ça aurait été dommage que l’un d’entre eux meurt maintenant. Non, ce qu’il voulait, c’était un vrai combat contre des chiens galeux du camp d’en face… Mais il n’était pas prêt d’y avoir droit, pas tant qu’il serait laissé à l’arrière.
Sa longue hache à deux mains qui pendait dans son dos n’avait pas eu à mordre la chaire depuis trop longtemps, peut-être une vingtaine de jours. D’ordinaire, Wladyslaw aurait explosé depuis déjà au moins une quinzaine donc soit l’hiver refreinait ses instincts meurtriers, soit il se faisait vieux… Après tout, Wlad approchait de ses quarante-cinq ans… enfin il croyait, il n’en était pas très sûr, et rien que d’y réfléchir lui faisait mal au crâne. En tout cas, il n’était plus tout jeune, et il commençait à avoir plus de gras sur le bide que de muscle sur les bras.
D’un pas lourd, l’énorme hongrois alla s’affaler sur une paillasse auprès d’un feu où d’autres comme lui avaient décidé de passer la nuit, serrant contre lui une gourde pleine de vin. Il en bu une grande gorgée avant de laisser s’échapper de sa bouche un rot tonitruant puis un ricanement satisfait. Sentant que le sommeil serait long à venir, Wlad se mit à chantonnait à mi-voix une vieille chanson digne de lui qui rapidement fut suivie par la plupart des soldats encore éveillés.

- Tu vas quitter ta bonne mère,
Pour t’en aller dans un boxon.
Je ne te retiens pas ma chère,
Si c’est là ta vocation.
Suis bien les conseils de ta mère,
Avant toi je fis ce métier.
Tu n’as jamais connu ton père,
C’était peut-être tout le quartier.

Adieu, fais-toi putain.
Va t’en gagner ton pain.
Adieu ! Ma fille, adieu !
A la grâce de Dieu !

Evite surtout la vérole,
Chancres, poulains, et cætera ...
Et ne crois jamais sur parole,
Le fouteur qui te baisera.
Regarde bien si sa culotte
Cache un vit bien entretenu.
Découvre toujours la calotte,
Avant de lui prêter ton cul.

Respecte bien la maquerelle,
N’offense pas le maquereau.
Tâche de te conserver belle,
Et surtout n’épargne pas l’eau.
Trois fois par jour, dans la cuvette,
Lave ton cul bien proprement,
Et dans la table de toilette,
Que l’onguent gris soit abondant !

Plusieurs éclats de rires retentirent lorsque s’acheva la chanson et certains applaudirent même avant de se lancer dans d’autres chants aussi crus et joyeux. Les douze hommes encore éveillés sur la vingtaine qui avaient été mobilisées pour cette mission des plus chiantes se mirent à chanter en cœur l’histoire d’une fille des quais qui, au détour d’une ruelle, rencontrait un marin au mât des plus impressionnant.
Soudain, un sifflement se fit entendre et les voix se turent d’un coup. Relevant la tête surpris, Wlad vit un soldat tout proche de lui, l’empannage d’une flèche lui traversant le torse, l’homme regardant le projectile planté en lui avec étonnement, puis, comme hésitant sur la manière de réagir à cela, il tomba à genoux lentement avant de s’effondrer sur le côté. Tout à coup, les chants furent remplacés par des hurlements stridents.

- Aux armes ! On nous attaque ! Aux armes ! S’époumona le sergent responsable de la patrouille avant d’être lui-même transpercé par une demi-douzaine de traits.

D’un bond, Wladyslaw se leva et saisit sa hache, prêt à faire sauter des têtes, si l’ennemi voulait bien se montrer, car au-delà de la lueur des feux de camps, rien ni personne n’était visible dans cette nuit sans lune. Tout autour de lui, les soldats en panique lançaient des regards dans toutes les directions à la recherche de l’ennemi.

- Les toulousains sont là ! S’écria un soldat alarmé, tenant son épée en tremblant, les yeux affolés. Ils vont nous massacrer.

Puis, les ténèbres semblèrent se resserrer autour de la patrouille, jusqu’à ce que Wlad réalise que c’étaient en réalité des hommes entièrement vêtus de noir qui leur fonçait dessus dans le plus grand silence, brandissant des armes de toutes sortes. Même lui compris que qui que soient ces gugusses, ce n’étaient pas des toulousains.

- Là ! Hurla t-il en montrant du doigt les hommes en noir qui les chargeaient. Vous venez à point nommé bande de pisseuses ! Wladyslaw a besoin de se défouler ! Allez mes salopes !

Repérés, les assassins surgis de nulle part se mirent à hurler des cris de guerre incompréhensibles, à l’exception d’un seul : « Pour la Mère Noire ». Ce qui restait de la patrouille des chevaliers chargea à son tour et la mêlée s’engagea.

*************************

A Fort Yvain, baptisé ainsi en mémoire de son fidèle porte étendard trépassé quelque mois plus tôt, Rénald de Hauteville savourait quelques moments de calme dans cette longue journée. Assis à son bureau recouvert de cartes, de parchemins et d’autres notes, il se délectait d’un vin rouge datant de l’année de sa naissance, préservé avec grand soin dans un tonneau dans les caves de Castelfort depuis l’émergence de la forteresse plusieurs décennies auparavant. Le breuvage était fort et fruité, peut-être un peu trop, mais Rénald appréciait tout ce qui était fort. Attardant son regard sur une carte clouée sur le mur ouest de la salle orientée vers le sud, il laissa son esprit vagabonder, élaborant quelques hypothèses sur les mouvements de troupes ennemies qui devaient elles aussi se préparer à repartir en guerre à la fonte des neiges, bien que Rénald soupçonne Toulouse de se montrer plus prudente à l’avenir. Lors de la première partie du conflit, les toulousains avaient privilégié l’attaque à la défense et avaient été à chaque fois repoussé en subissant de lourdes pertes. Mais au Vallon aux Vergers, ils s’étaient défendus de toutes leurs forces, et bien qu’ils aient été vaincu et repoussés au-delà de la frontière, l’Ordre avait subi trop de dégâts pour se lancer à la poursuite des toulousains.
Non, il en était quasiment sûr, Rénald allait devoir dès le printemps se lancer à l’assaut de plusieurs positions fortifiées le long de la frontière, l’ennemi avait retenu la leçon et aller se figer, se terrant derrière de profonds fossés et de hautes palissades.
Di Cecina allait se montrer très utile lorsque ce moment viendrait, bien que le Général italien soit plus à l’aise en défense qu’en attaque, ses connaissances sur les tactiques défensives et la construction de fortifications leur seraient salutaires, et il pourrait devenir un élément clé dans la victoire de l’Ordre. Cependant, Rénald allait devoir se montrer prudent avec le Connétable, bien que sa loyauté envers lui soit assurée, Di Cecina n’était pas stupide, et même lui commençait à avoir des soupçons quant aux machinations de Rénald pour asseoir son autorité, la mort d’Antoine de Caen, de Polani puis de Stuart de York avaient évidemment perturbé son vieux camarade. Tous deux attaqués lors de leur trajet vers les Comtés alliés de l’Ordre, ceux de Velay et de Forez, seul Di Cecina s’en était tiré vivant, évidemment, cette attaque avait été orchestrée par Rénald, afin d’éliminer De York, tout en épargnant Di Cecina qui lui était un élément fiable. Après avoir réussi à rallier Velay et Forez à la cause de l’Ordre, le Connétable était revenu avec quelques nouvelles troupes, mais surtout, la promesse que les alliés de l’Ordre attaqueraient l’ennemi à revers au printemps. Ainsi, Rénald espérait que Toulouse, ainsi attaqué de toutes parts, serait incapable de se défendre bien longtemps et que son front finisse par s’effondrer rapidement, laissant la route vers Toulouse ouverte.
Et là, Rénald lâcherait Gregory de Caen, le frère d’Antoine, véritable expert en cavalerie, qui pourrait alors ravager la campagne ennemie, exerçant sa fureur et son désir de vengeance sur ceux qu’il croyait responsables de la mort de son frère.

Oui, cette guerre ne durerait plus très longtemps, le plus dur était derrière eux, Rénald en était convaincu. Toujours plongé dans ses pensées, Rénald n’entendit ni ne vit l’ombre noire se hisser par la plus grande fenêtre de la salle sur sa droite. La fatigue et son esprit tourné vers des pensées lointaines, il ne vit non plus les deux autres assassins qui pénétrèrent dans la salle de réunion, plongée dans les ténèbres à l’exception d’une petite lanterne posée au pied du bureau du Maître de l’Ordre, projetant une lueur rougeâtre et dansante sur les murs. Lentement, l’Ombre la plus proche s’approcha, s’écartant du champ de vision du vieux général pour se placer dans son dos, prêt à lui trancher la gorge avec son long poignard à lame incurvée. D’un geste vif, l’assassin frappa, mais si le Maître de l’Ordre ne vit pas le coup arriver, il le sentit en revanche, tout comme il avait perçu la présence des intrus dans la pièce au moment où ils y étaient entrés, le fruit de nombreuses années d’expérience et d’une vigilance constante. Poussant sur sa jambe droite, il fit basculer sa chaise au dernier moment, tombant sur le côté mais échappant à un coup mortel avant de rouler sur le sol en dégainant son épée, toujours accrochée à sa ceinture, de jour comme de nuit.
L’assassin qui avait raté sa première attaque se lança sur sa cible sans le moindre bruit, de peur d’alerter les gardes à l’extérieur de la pièce, cependant, ceux-ci avaient entendu la chaise du Maître se renverser et entrèrent juste à temps pour voir Rénald transpercer son agresseur après avoir esquivé une série d’attaques rapides. Les deux autres Ombres s’élancèrent à leur tour, prêtes à mourir afin d’emporter Rénald avec eux dans la mort, mais le Maître se déplaça, afin de mettre son bureau entre eux et lui, les forçant soit à le contourner soit à l’escalader, donnant le temps aux Gardes de Fer de le rejoindre. En quelques instants, les deux assassins furent éventrés à coups de lance et d’épée et leurs corps vinrent rejoindre ceux de leur camarade.

- Très bonne intervention messieurs, commenta Rénald à ses Gardes, je suis heureux que l’heure tardive n’ait point émoussé votre vigilance. D’autres ont pu s’introduire dans le fort, ajouta Rénald, mais sa phrase s’interrompit lorsque l’un des Gardes fut projeté à terre, un carreau fusant à travers la pièce et lui pulvérisant la poitrine.

A la porte, deux sombres silhouettes armées d’arbalètes se dressaient face aux deux hommes, pointant leurs armes sur eux. Un deuxième trait fut tiré, droit vers le cœur du Maître de l’Ordre. D’un bond, le dernier Garde encore en vie s’interposa entre Rénald et ses agresseurs, faisant barrage de son corps, avant d’être transpercé et de s’effondrer, lâchant dans un dernier souffle « Fuyez Maître… ».

- Le don du sang est enfin arrivé ! S’exclama l’une des Ombres d’un air dément, son visage blafard tatoué de signes noirs aux allures maléfiques distordus par l’exultation. Il n’y aura nulle échappatoire pour vous, hérétique ! Préparez-vous à embrasser le Néant !

L’illuminé se rua dans la pièce, jetant son arbalète et brandissant une épée courte à la lame courbée, suivi de son camarade muni d’une arme étrange, une sorte de griffe constituée de trois lames accrochées à un bracelet de métal au bras droit. D’un bond, le premier sauta sur la vaste table au centre de la pièce, d’ordinaire réservée aux briefings et aux élaborations de tactiques, tandis que le second la contournait par la droite. Tenant son épée de la main droite, Rénald se saisit du bouclier d’un des gardes trépassés et recula vers le fond de la salle, plus dégagé que le centre, occupé par la table, les chaises et de petites étagères qui vomissaient des centaines de documents tellement ils étaient encombrés.
Par les fenêtres de la pièce, Rénald entendit des hurlements, des hommes se battant à travers le campement et sonnant l’alarme : il n’était pas la seule cible des Ombres ce soir.

- Ainsi, le moment est venu, la Guerre des Ombres. Murmura Rénald, suffisamment fort pour être entendu par ses opposants. Croyez-le ou non, mais je m’y suis préparé depuis de longues années, patientant jusqu’à votre trahison, et je vous assure que la putain qui vous sert de guide va amèrement regretter de m’avoir défié.

Poussant un hurlement de rage, l’Ombre sur la table sauta vers Rénald, fendant l’air avec sa lame. Le Maître esquiva d’un pas en arrière et contre-attaqua d’un coup latéral tout en restant à l’abri derrière son bouclier autant que possible, forçant son adversaire à soit reculer, soit se baisser, sa lame n’étant pas l’idéale pour parer une telle attaque. L’Ombre choisit de fléchir ses genoux, s’accroupissant avec souplesse et attaquant presque aussitôt à nouveau, forçant Rénald à parer avec son bouclier, le choc le déstabilisant, car totalement inattendu. Le deuxième assassin arriva sur la droite du Maître qui recula, mais sans plus aucune voie d’échappatoire, le mur de la salle ne se trouvant plus qu’à peine à un pas derrière lui. S’avançant vers Rénald, l’épéiste repassa à l’attaque, tentant de fendre en deux le crâne du Maître, au tout dernier moment, Rénald au lieu de lever son bouclier, glissa vers la droite, vers l’ennemi muni de griffes qui s’apprêtait à se jeter sur lui, profitant de la diversion de son frère.
Car un quelques instants, Rénald avait deviné que ses ennemis étaient habitués à combattre ensemble, leurs traits, bien que ceux du second à moitié dissimulés sous une capuche, étaient assez similaire pour trahir un lien de parenté et donc, laissaient supposer qu’ils opéraient d’ordinaire en duo. Et comme souvent, l’instinct de Rénald le sauva.
Son adversaire armé de griffes fut surpris que Rénald se dirige vers lui et se retrouva vulnérable, tendant sa main munie de lames bien trop loin, passant à quelques centimètres du visage de sa cible. Ils avaient voulu lui faire croire que la menace venait de devant, alors qu’en réalité, le sabreur ne faisait que distraire Rénald pour permettre à son frère de s’approcher et de l’embrocher avec sa curieuse arme, qui au corps à corps devait se révéler terriblement meurtrière, mais qui à plus grande distance était quasiment inutile. Mais là, l’Ombre avait commis une erreur, sous-estimant l’expérience de Rénald, habitué à ce genre de manœuvres, et de plus, tentant de l’atteindre depuis une distance trop importante.

D’un coup vif et puissant, Rénald frappa son ennemi en plein dans l’estomac avec la garde de sa lame, le faisant se plier en deux avant de se tourner vers le premier ennemi qui repassa à l’attaque. Les deux bretteurs échangèrent une brève série de vifs assauts avant que Rénald ne parvienne à déstabiliser l’Ombre en frappant avec force son cimeterre d’un coup de taille et de le renverser en le percutant violement avec son bouclier. L’Ombre fut envoyée à terre et presque aussitôt, Rénald lui trancha la gorge d’un geste aussi rapide qu’efficace.
Il ne restait plus que Griffes, comme il le nommait dans son esprit, à affronter, pour le moment. L’Ombre s’était reculée, tenant son ventre de sa main gauche, brandissant ses lames de l’autre. Les deux hommes se fixèrent un moment, avant que Griffes n’avance, cherchant à aller au contact en passant sous la garde de Rénald qui prenait garde à bien maintenir son ennemi à distance, se cachant derrière son bouclier et tenant son épée prête à frapper à tout moment.
Rénald attaqua, afin de repousser son assaillant, mais ce dernier évita l’assaut avec adresse et bondit avec une extraordinaire agilité, s’élevant du sol comme un rapace s’envolant, et retombant sur Rénald qui eu tout juste le temps de bouger son bouclier sur lequel apparurent trois longues entailles, là où le métal avait mordu le bois. L’Ombre empoigna de sa main gauche le bouclier salvateur de son ennemi et s’y accrocha de toutes ses forces, se plaquant contre Rénald, à tel point que ce dernier sentit la transpiration de son adversaire et une légère odeur d’épices dans son haleine, avant que l’assassin ne plonge ses griffes dans le flanc du Maître, passant son bras autour de lui comme dans une étreinte mortelle.
Juste avant que l’acier ne pénètre sa chaire et ne risque d’atteindre son rein, Rénald donna un coup de tête en plein visage de son adversaire, sentant le nez de ce dernier se briser, mais il sentit aussi l’arme de Griffes lui morde cruellement le bas du dos. Rénald hurla de douleur tandis que l’Ombre reculait en jurant, sa capuche basculant en arrière, dévoilant un visage presque identique à celui de son défunt frère, si ce n’est qu’à présent, un flot de sang s’écoulait sur ses lèvres et son menton. Malgré la douleur, Rénald se trouva chanceux, les lames ne l’avaient pas embroché, juste griffé, c’était douloureux mais pas mortel.

Profitant de ce bref instant indécis, Rénald s’élança à son tour et lança de toutes ses forces son bouclier vers son ennemi. L’Ombre se décala, mais un temps trop tard, la douleur lui faisant fermer son œil droit en dessous duquel un hématome s’était également formé. Griffes reçut le bouclier sur son épaule droite et cria, plus sous l’effet de la surprise et de la colère que de la douleur, mais à ce moment là, Rénald était sur lui et ce dernier frappa de toutes ses forces, tenant son épée à deux mains dans un mouvement latéral comme un paysan fauchant le blé. L’épée s’enfonça de plusieurs centimètres dans le ventre de l’Ombre qui ne laissa qu’un hoquet s’échapper de ses lèvres pleines de sang, ses yeux exorbités fixant le vide devant lui. Rénald appliqua une dernière pression et le corps s’effondra à terre, presque coupé en deux.
Rénald poussa un long soupir, soulagé d’être sorti vivant de cette confrontation où il avait frôlé la mort bien trop de fois. Touchant son flanc droit blessé, il grimaça et pria pour que Griffes n’ait pas été assez zélé pour empoisonner ses armes. Mais il y avait plus important pour l’heure, les Ombres étaient passées à l’attaque, il fallait les repousser. Les hurlements retentissaient encore dans le camp et de nombreux cors sonnaient pour appeler les hommes à prendre les armes. Sortant de la salle de réunion, Rénald se précipita à travers les couloirs parsemés de cadavres, aussi bien ceux de ses hommes que ceux des Ombres tombées durant leur assaut. Les combats semblaient s’être déplacés à l’extérieur du quartier général après avoir surtout frappé l’intérieur du complexe, il devait à présent mener les défenses dans la cour.

Surgissant hors du bâtiment par une porte dérobée, Rénald put voir un spectacle alarmant : de nombreuses tentes étaient en feux et plus d’hommes encore erraient désarmés et désemparés tandis que des silhouettes noires se déplaçaient parmi eux en les frappant à revers, incendiant d’autres tentes, renversant les râteliers pleins d’armes et en jetant à terre des cagettes pleines de légumes, de pain et de viandes séchées. Cela avait tout l’air d’une expédition suicide visant à les affaiblir avant un assaut majeur. L’air brûlant était saturé de braises volantes, le ciel était rouge et de longues colonnes de fumée noire et dense s’élevaient au dessus du camp. Se précipitant vers un soldat en prise avec un assassin qui tournait le dos au Maître, Rénald décapita l’Ombre en un éclair, ne l’ayant jamais vu venir. Le soldat regarda Rénald de la tête aux pieds avec stupeur, ne s’attendant visiblement pas à se retrouver face à cet homme cette nuit là.

- Suivez-moi soldat, il faut rallier à nous autant d’hommes que possible pour mener les défenses ! Ordonna Rénald en repartant aussitôt pour porter secours à ses hommes.

Parcourant le campement au pas de course, tentant d’intervenir le plus possible afin de sauver des vies, ordonnant à tous les hommes qu’il croisait de le suivre, le Maître de l’Ordre se retrouva en quelques minutes à la tête d’une vingtaine d’hommes plus ou moins armés et habillés, mais au moins, tous pouvaient combattre immédiatement.

- Vous cinq, restez là et tenez la position, dit Rénald en désignant des soldats parmi ceux qui disposaient d’armes et d’armures presque complètes lorsqu’ils arrivèrent à un croisement menant vers les portes intérieures, au pied du quartier général. Venez en aide à tous ceux qui en auront besoin et enrôlez-les dans la défense de cette position. Lorsque vous serez une dizaine, envoyez-en cinq sécuriser un autre secteur autour du quartier général, nous devons reprendre le cercle intérieur du camp ! Les autres, suivez-moi !

Aussitôt, Rénald repartit en courant, suivi du reste de sa troupe, continuant à rallier sur leur passage autant d’hommes que possible et en combattant tout groupe d’assassins qu’ils croisaient. Arrivant à un carrefour à mi-chemin des portes de la première palissade, le groupe de Rénald se retrouva face à un autre groupe de soldats de l’Ordre, ceux-là menés par Bertrand de Lorraine.
Les deux hommes s’arrêtèrent et se fixèrent un moment, comme hésitant, tout comme leurs hommes qui regardaient chacun avec appréhension. Puis, quelque part dans le camp, une explosion retentit, probablement lorsqu’un stock de denrées inflammables fut la cible des Ombres, leur rappelant l’urgence de la situation.

- Les portes sont occupées par une trentaine de ces assassins, Seigneur, annonça Bertrand, vêtu de son armure passablement tachée de sang. Nous avons tenté de forcer le passage mais leurs archers nous empêchent de nous approcher. Je crois qu’ils essayent de nous confiner à l’intérieur des remparts dans l’espoir que nous périssions dans les flammes.

- C’est un risque Commandant, approuva Rénald, mais nous ne pouvons pas rester ici, le plus gros de nos troupes est derrière ces remparts, dans le deuxième cercle, il faut les rejoindre pour y organiser la résistance.

Bertrand hocha la tête et sans attendre un instant de plus, il mena son escouade vers les portes, à quelques mètres de là, suivi par les hommes de Rénald. Là, une trentaine d’Ombres se tenait en travers de la route, réunie derrière une barricade de fortune, faite de tonneaux, de cageots, de charrues et de carcasses de chevaux et de bœufs utilisés pour le trait. Mais la principale menace pour les chevaliers était les archers, au sommet de la palissade, sur le chemin de ronde au-dessus des portes, ceux-là bandant déjà leurs arcs, prêts à faire feu.

- Il faut prendre ces portes ! S’exclama Rénald en brandissant son épée. Chevaliers, chargez !

Les hommes poussèrent un tonnerre de cris de guerre et se précipitèrent en direction de la barricade, tandis qu’au-dessus de leurs têtes, les flèches fusaient. Mais, au lieu de tomber dans leurs rangs, les flèches suivirent le chemin inverse et fauchèrent les archers postés sur le chemin de ronde. Regardant par-dessus son épaule, Rénald aperçut des silhouettes vêtues de gris et de vert, menées par un homme ne portant que du noir et tenant dans sa main un long sabre très fin et incurvé. Daleva et ses Pisteurs, pile au bon moment. Recentrant son attention sur la bataille devant lui, Rénald vit les premiers hommes escalader la barricade, désormais libérés de la menace que représentaient les archers des Ombres, et engageaient la mêlée. Suivant ses soldats, Rénald bondit sur un tonneau de la barricade et faucha la première tête recouverte d’une capuche qui se présenta à lui, et se lança à son tour dans la bataille pour les Portes de Fort Yvain.
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MessageSujet: Re: Un long Hiver   Un long Hiver Icon_minitimeMer 13 Oct - 12:14

Super,Renald et Bertrand forcés de lutter ensemble,je suppose que je dois faire aussi une mission dans laquelle je suis attaqué par après ?
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MessageSujet: Re: Un long Hiver   Un long Hiver Icon_minitimeMer 13 Oct - 12:19

*chaos* a écrit:
Super,Renald et Bertrand forcés de lutter ensemble,je suppose que je dois faire aussi une mission dans laquelle je suis attaqué par après ?

Si tu veux, tu n'es pas forcé, même si Adrian Gordon serait une cible de premier choix. Si ça ne t'emballe pas plus que ça t'embete pas avec ça.
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MessageSujet: Re: Un long Hiver   Un long Hiver Icon_minitimeMer 13 Oct - 12:49

Interesant tout ça !

Dis moi, la magnifique et enormisime chanson de Wlad, elle est de ton cru ? rendeer Y'a un air particulier ? santa
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MessageSujet: Re: Un long Hiver   Un long Hiver Icon_minitimeMer 13 Oct - 12:57

Galadas a écrit:
Interesant tout ça !

Dis moi, la magnifique et enormisime chanson de Wlad, elle est de ton cru ? rendeer Y'a un air particulier ? santa

Trouvée sur un site dediée aux chansons paiardes, mais je pense que s'il doit chanter à nouveau je tenterai d'en faire une moi même.
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MessageSujet: Re: Un long Hiver   Un long Hiver Icon_minitimeMer 13 Oct - 13:02

Curieux de voir ce que ça va donner !


J'aime bien la trahison des ombres. Mais dis moi, Bertrand ne peut pas essayer une alliance avec les ombres pour virer Rénald, et après ben... retour case départ mais Bertrand est le maitre de l'ordre ?
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MessageSujet: Re: Un long Hiver   Un long Hiver Icon_minitimeMer 13 Oct - 14:21

Non tu ne choisis pas de t'allier avec les Ombres, c'est les Ombres qui décident des pactes à conclure...
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MessageSujet: Re: Un long Hiver   Un long Hiver Icon_minitimeMer 13 Oct - 15:10

Qui sait ? ce serait interesant d'y réfléchir, on connait si peu de chose sur les Ombres...
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MessageSujet: Re: Un long Hiver   Un long Hiver Icon_minitimeMer 13 Oct - 15:34

Si,si Livio,ca me tente bien,je me demande juste,si les ombres décidaient de m'attaquer,des quels effectifs ils pourraient disposer,car vus ma bataille en cours,je vais perdre pas mal d'hommes.
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MessageSujet: Re: Un long Hiver   Un long Hiver Icon_minitimeJeu 14 Oct - 13:37

Les Ombres sont des fanatiques un peu barrés, leur trahison était planifiée depuis des lustres, c'est un cycle qu'ils répètent inlassablement : ils se mettent au service d'un puissant seigneur, grandissent à son ombre, et dès que l'opportunité se présente, ils frappent. Lorsque l'Ordre a perdu Sopraluk, ils se sont empressés d'aider Rénald à accéder au pouvoir, car, trop contreversé, ils savaient qu'il ménerait l'Ordre à la guerre civile (avec quelques coups de pouce par-ci par là).
Ils doivent exterminer l'Ordre, ça fait partie de leur rituel, et pour eux, Bertrand et Rénald, c'est bonnet blanc et blanc bonnet.

Citation :
Si,si Livio,ca me tente bien,je me demande juste,si les ombres décidaient de m'attaquer,des quels effectifs ils pourraient disposer,car vus ma bataille en cours,je vais perdre pas mal d'hommes.

Livio ? MrGreen
Pour l'instant, ils ont envoyés des petits groupes pour viser exclusivement les officiers importants, désorganiser les places fortes et perturber les communications de l'Ordre. Le véritable atout des Ombres n'a pas encore été dévoilé.
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MessageSujet: Re: Un long Hiver   Un long Hiver Icon_minitimeJeu 14 Oct - 19:28

Citation :
Le véritable atout des Ombres n'a pas encore été dévoilé.

je crains le pire... albino
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MessageSujet: Re: Un long Hiver   Un long Hiver Icon_minitimeJeu 14 Oct - 20:11

Bon,je pense qu'une dizaine devrait suffire pour tenter de tuer Adrian et Shiva,et pourquoi pas Maxime ?
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MessageSujet: Re: Un long Hiver   Un long Hiver Icon_minitimeJeu 14 Oct - 21:13

Maxime aussi serait une cible de choix, mais il serait bon qu'il ne trepasse pas immédiatement, sinon tant pis Rénald pourra mettre ça sur le compte de Bertrand en temps voulu pour attirer son ainé, Ethan, à son service pour venger son frère.
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MessageSujet: Re: Un long Hiver   Un long Hiver Icon_minitimeJeu 14 Oct - 21:24

Non ne le tue pas tout de suite, c'est marrant quand il s'oppose à Adrian MrGreen
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MessageSujet: Re: Un long Hiver   Un long Hiver Icon_minitimeVen 15 Oct - 1:06

L'idée n'était pas de le mettre à mort,mais qu'il participe à ce moment la,c'est un personnage intéressant à développer.
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MessageSujet: Re: Un long Hiver   Un long Hiver Icon_minitimeSam 16 Oct - 21:41

Une nouvelle nuit froide, sombre et pleine de souffrance recouvrait Fort Sarrack. La forteresse, bâtie sur les versants de falaises abruptes au-dessus de la mer, se dressait dans la tempête de neige qui s’était abattu sur la région plus tôt dans l’après-midi. Depuis, toutes les patrouilles avaient été rappelées. Bien qu’elles négligent ainsi leur devoir, les sentinelles en faction sur les murailles s’étaient réfugiées dans leurs guérites et les tours parsemant les murs, cherchant à échapper au froid mordant de l’hiver. De toute manière, selon l’avis général parmi les sentinelles, même si les armées célestes venaient toquer aux portes du château, personne ne pourrait les voir à travers la tempête ni entendre quoi que ce soit, les hurlements du vent sifflant entre les pierres des murailles leur vrillant déjà les tympans.
Fort Sarrack avait été une importante place forte trois décennies plus tôt, le père de l’ancien maître Sopraluk l’ayant bâti à cet emplacement afin de garder les marches septentrionales de ses terres, lorsque celles-ci ne s’étendaient pas encore aussi loin qu’à présent, tout en gardant un œil sur les allés et venues de navires pirates, leurs incursions dans la région étant monnaie courante à l’époque.
Mais depuis l’avènement de l’Ordre, l’ancienne baronnie des Sopraluk avait considérablement grandie, s’étendant bien plus au nord avec l’annexion de terres alliées. Déjà fragilisé par cette expansion réduisant son importance stratégique, les efforts de l’amiral Herk pour sécuriser les côtes de l’Ordre finirent par rendre Sarrack inutile, et après avoir hébergé périodiquement quelques garnisons symboliques, la forteresse fut abandonnée. Avec le temps, les remparts se dégradèrent, la région perdu de son attrait pour les serfs l’entourant, et la croissance spectaculaire de Castelfort plus à l’ouest les attira, et la majeur partie de la population se porta volontaire pour aller peupler de nouvelles colonies agricoles. En quelques années, fort Sarrack et sa région furent abandonné.
Cependant, Rénald avait rapidement vu un intérêt majeur pour cet endroit désolé, très vite, fort Sarrack fut rouvert et ses geôles accueillaient à présent nombre de personnages gênants pour le maître de l’Ordre. Toulousains, chevaliers rebelles et d’autres encore qui risquaient de mettre à mal l’autorité du maître en ces temps de malheur où l’Ordre devait absolument être soudé, quel qu’en soit le prix. Les hommes occupant la petite forteresse avaient été trillés sur le volet, tous membres des Gardes de Fer, sélectionnés par Otto Van Kassel en personne. Tous étaient loyaux jusqu’à la mort à Rénald, mais même leur fidélité sans faille ne les réchauffait suffisamment pour les maintenir à leur poste, tandis que la tempête redoublait de vigueur. S’ils avaient été à leurs postes à ce moment, les Gardes n’auraient pas pu apercevoir au nord-ouest les nuages de cendre qui s’amoncelaient au-delà des collines, au-dessus de Fort Yvain où la bataille faisait rage. Mais peut-être auraient-ils pu voir aux pieds des remparts la vingtaine d’ombres furtives, se précipitant de cachettes en cachettes, de buissons en buissons, se cachant derrière n’importe quels obstacles susceptibles des les dissimuler.

Arrivées au mur nord, les silhouettes emmitouflées sous d’épaisses capes noires, à peine visibles dans la nuit et la tempête se dispersèrent, une poignée restant en retrait et brandissant leurs arcs, pointés vers le chemin de guet, prêts à abattre n’importe quel homme s’y trouvant, tandis que les autres s’emparaient de grappins attachés de longues et solides cordes qu’ils lancèrent presque simultanément. En quelques minutes, les hommes grimpèrent le long de la muraille qu’ils découvrirent déserte, tout comme ils l’espéraient, et très vite, ils furent rejoint par le reste de leur unité. Tandis que les archers se postaient sur la muraille d’où ils avaient une vue imprenable sur la cour intérieure de la forteresse, la troupe se dirigea vers la tour de garde la plus proche. Le membre le plus grand des assaillants se saisit de l’épée qui pendait dans son dos, longue et large, si bien qu’un individu moyen aurait été incapable de la manier, et donna un coup de pied dans la porte, si puissant que son verrou fut arraché, découvrant à l’intérieur un trio de Gardes, assis sur des tabourets et se réchauffant autour d’un feu dans un brasero. Les trois soldats restèrent figés un bref instant, un seul petit moment qui leur coûta la vie, l’homme en noir se ruant dans la pièce et décapitant deux d’entre eux avec une rapidité et une adresse fulgurante, laissant le troisième ahuri et effrayé, tombant de son siège et rampant à reculons. Avançant vers sa victime d’un pas souple et léger malgré son gabarit, l’homme frappa le Garde d’un coup de talon, l’assommant pour au moins deux bonnes heures. Derrière lui, les attaquants pénètrent dans la tour avec rapidité une fois la pièce sécurisé, ce qui n’avait pas prit plus de dix secondes.

-Nettoyez le reste de la tour, ordonna le géant à quatre de ses hommes, puis, ajouta au reste de sa troupe : Suivez-moi, on va aux cachots.

Tous saluèrent leur meneur en silence, puis, ceux chargés de sécuriser la tour écartèrent leurs capes, révélant des tenues identiques à celles que portaient les Gardes de Fer, puis remontant sur leurs visages des foulards noirs. Ramassant les armes des victimes de leur chef, il était à présent impossible de les différencier de véritables Gardes de Fer.

-Vous n’oubliez rien messieurs ? Demanda le meneur avec sarcasme.

Contrits, ses hommes sortirent de sous leurs capes de long foulards blancs qu’ils nouèrent à leur taille, telles des ceintures, seul signe à présent capable d’empêcher ces hommes de s’entretuer par erreur. Le groupe se sépara alors, le chef menant ses hommes qui à leur tour se transformèrent en Garde de Fer durant leur marche vers une autre portion de la muraille qu’ils descendirent par un escalier étroit et délabré, se rendant dans la basse-cour, puis fonçant d’un pas rapide vers le donjon.
Un seul Garde était à son poste devant l’entrée des cuisines sur la face nord du bâtiment, en haut d’une petite volée de marche donnant sur une petite porte en bois qu’utilisaient autrefois les serviteurs du château qui n’avaient pas le droit d’emprunter l’entrée principale. Le Garde regarda la dizaine d’hommes s’approcher rapidement, semblant plus que pressés d’échapper au froid et à la neige.

-La relève c’est dans une vingtaine de minutes, lança le Garde soupçonneux. Vous savez pourtant ce que vous risquez si le capitaine apprend que vous glandez pendant votre garde.

Grimpant les marches avec souplesse, le géant lança son poing en plein visage du Garde qui fut projeté contre le mur derrière lui, sa tête heurtant durement la pierre, finissant de l’assommer, l’homme glissant contre le mortier pour se retrouver sur le derrière, assis comme s’il piquait un somme. Sur la droite de la troupe, un hurlement retentit lorsqu’un Garde qu’ils n’avaient pas repéré les aperçus, l’homme s’empara d’un cor pendant à sa ceinture et s’apprêta à sonner l’alerte, lorsque le plus petit membre de la troupe fit apparaitre entre ses doigts une longue dague qu’il projeta en un éclair. La lame vint se planter en plein cœur de l’homme qui tomba à genoux, les yeux exorbités, puis tomba le visage dans la neige qui se teintait de rouge en-dessous de lui.

-Merde ! Jura le chef des attaquants. Ce con devait être allé pisser. Ramenez son cadavre à l’écart et cachez le sang sous la neige tandis qu’on fonce aux cellules, et prévenez les hommes à la tour qu’ils auront de la visite bientôt.

Les deux hommes aux quels il s’était adressé obéirent aussitôt tandis que le géant pénétrait dans les cuisines avec les huit derniers membres du groupe sur ses talons. Les hommes traversèrent les cuisines au pas de course, ne croisant que des tables et des chaudrons vides, ils espéraient que les Gardes de corvée de tambouille ne viendraient accomplir leur tâche que plus tard dans la nuit. Traversant les couloirs en se forçant à garder une allure qui ne les ferait pas remarquer par d’éventuelles Gardes qu’ils croiseraient, ils se dirigeaient droit vers les cachots.
Avançant dans le dernier corridor avant une large porte en fer qui menait vers les sous-sols, les hommes virent arriver droit sur eux un Garde qui les regarda avec insistance, une lueur de méfiance dans les yeux. Le chef salua d’un signe de tête le soldat, espérant que cela suffirait à mettre fin à ses soupçons, mais le Garde ne répondit pas, et alors qu’ils n’étaient plus qu’à quelques pas l’un de l’autre, l’homme baissa ses yeux vers les foulards blancs portés en guise de ceinture par les assaillants.

-Hé ! S’exclama le Garde qui attrapa la garde de son épée, prêt à passer à l’attaque. Des intrus !

En un instant, le chef fut sur lui et le plaqua contre un mur le soulevant littéralement du sol tandis que son petit partenaire attrapa une autre dague sous la cape et poignarda le Garde trop perspicace, le réduisant au silence. Les deux hommes ne savaient pas si le cri avait été entendu, mais à présent, ils n’avaient plus le luxe de se montrer prudent, ils allaient devoir achever leur mission au plus vite. Jetant à terre le corps sans vie qu’il soulevait toujours, le géant se précipita vers la lourde porte qui s’ouvrit sur une flopée de marche s’enfonçant dans des ténèbres à peine percées ici et là par quelques torches sur les murs. Le groupe dévala les marches en courant, arrivant dans un long couloir sordide, aux murs couverts de mousses et de traces noires de sang séchés, il régnait une odeur écœurante d’urine et d’excréments, mais ils sentaient aussi en ces lieux le terrible malaise que l’on ressentait lorsque l’on pénétrait dans un lieu où d’innombrables infamies avaient eu lieu. La mort, la souffrance, la cruauté, tout ça empestait plus encore que les odeurs nauséabondes qui venaient des cellules et des salles de torture. En face des escaliers, plusieurs clefs pendaient au-dessus d’une petite table collée contre une paroi, chaque clef étant suspendue à un clou sous un numéro gravé dans la pierre, le numéro 11 n’avait pas de clef à son clou.
Un hurlement déchirant retentit dans les sous-sols, suivis par de nombreuses plaintes effrayées, provenant des geôles des prisonniers terrorisés dans leur sommeil agité.

-Dispersez-vous, ordonna le géant à ses hommes en se saisissant des clés des cellules et en les distribuant, fouillez chaque cellule, n’en laissez pas un seul.

Les hommes s’exécutèrent, le cachot formant un étroit corridor en T, deux bras partant vers le nord et le sud, jalonnés de cellules où croupissaient les prisonniers, tandis qu’un autre tourné vers l’est menait à deux portes en bois, probablement les chambres de torture. Suivis par le lanceur de couteaux, le géant se précipita dans le dernier couloir, et, arrivé face aux deux portes, chacune se faisant face de chaque côté du couloir, il enfonça au hasard celle de droite. Ils n’y découvrirent aucun occupant, à part une table recouverte d’instruments tachés de sang ainsi qu’un chevalet en forme de X, recouvert de pointes métalliques, le bois autrefois clair était terni par le sang séché de ceux qui avaient eu le malheur d’y goûter.
Se retournant, le géant fracassa d’un coup de pied la seconde porte pour découvrir une pièce similaire, sauf que le chevalet ici était remplacé par une table en bois où plusieurs lames acérées avaient été plantées sur les côtés, leur côté aiguisé dirigées vers l’intérieur, si bien que si celui qui subissait la torture tentait de se débattre en de se défaire de ses liens, il risquait de se mutiler lui-même les flancs, les cuisses et les bras. Un homme entièrement nu au corps ruisselant de sang était attaché à la dite table, le ventre ouvert, d’où sortaient ses entrailles que son bourreau retournait délicatement entre ses doigts pour les montrer au malheureux qui hurlaient comme un damné. Pris d’un accès de rage incontrôlable, le géant sur précipita sur le bourreau qui ne l’avait pas remarqué, trop absorbé par son ignoble tâche. L’attrapant par la gorge à deux mains, l’homme le projeta contre un mur de la pièce, noirci par le sang, le bourreau heurtant la pierre avec fracas avant de retomber sur le sol. Le géant se rua sur lui et commença à le harceler de coups, frappant des pieds et des poings avant de saisir le visage du tortionnaire entre ses mains et de commencer à le lui écraser contre la paroi, frappant à répétition comme s’il voulait briser une pierre. Au bout de quelques frappes, le visage du bourreau n’était plus que sang, os et lambeaux de chaire déchiquetés, mais il fallut au moins ça pour calmer le géant qui relâcha enfin le cadavre de l’homme qui était déjà mort lorsqu’il avait été projeté contre le mur, sa nuque se brisant sur le coup.

Lentement, le géant se tourna vers la victime du Garde, l’homme respirait faiblement, son corps secoué de soubresauts et de hoquets, des bulles de sang remontant dans sa gorge et éclatant entre ses lèvres. Celui qui avait suivit le chef des assaillants secoua la tête avec résignation et prit l’une de ses dagues qu’il planta en plein cœur du malheureux, abrégeant ses souffrances. Les deux hommes auraient voulu faire plus, mais le temps manquait. Sortant de l’ignoble salle, ils allèrent prêter main forte à leurs camarades qui faisaient sortir de leurs cellules les prisonniers, certains étaient encore en assez bon état pour tenir sur leurs jambes et aider ceux qui peinaient à se déplacer tandis qu’un des membres de l’expédition leur distribuait des vêtements et des armes de fortune qu’il avait transporté jusqu’ici dans un lourd sac en toile. Certains prisonniers étaient trop affaiblis pour marcher et devaient être portés par les valides, d’autres peinaient à comprendre qu’ils étaient libres et se débâtaient, tentant d’échapper à ceux qui venaient les libérer. Repérant l’un de ceux là, le géant et son compagnon entrèrent dans une des dernières cellules dont l’occupant continuait de résister à l’homme venu le sauver.

-Il est faible et en état de choque, expliqua le soldat qui tentait de faire se lever le malheureux dont l’apparence était effrayante.

Son corps famélique était couvert de blessures, taché de sang et d’excréments, ses longs cheveux en pagaille, dont la couleur d’origine était indéfinissable, étaient à présent presque noirs à cause de la crasse et de sang, tout comme la barbe qui lui dévorait le visage. Ses traits étaient tirés par la souffrance et la détresse, et, trop épuisé, il ne parvenait qu’à entrouvrir les yeux que quelques instants avant de pousser de faibles cris de détresse pitoyables.

-Calmez-vous soldat, tenta de le rassurer le chef de l’expédition, vous êtes sauvés, nous venons vous libérer.

- Je le reconnais, intervint le plus petit de la troupe, ce dernier enleva le foulard sur son visage, révélant des traits juvéniles, bien que marqués par la fatigue et les intempéries. Le jeune homme s’agenouilla auprès du blessé et lui parla avec douceur. Lieutenant Skapty, c’est moi, Patrick, tout va bien se passer, vous n’avez plus rien à craindre, je suis avec l’intendant De York, vous êtes sauvé.

Le Lieutenant Karl Skapty parvint à entrouvrir brièvement les yeux un peu plus, il scruta le visage du jeune homme, puis celui de l’intendant qui ôta lui aussi son foulard et sa capuche, révélant son visage jeune et beau ainsi que sa longue chevelure dorée. Karl ferma les yeux et son visage se tordit, éclatant en sanglots de soulagement. Patrick et Stuart soulevèrent le lieutenant et le couvrirent d’une de leurs capes, le faisant sortir de sa cellule où il avait passé les quatre derniers mois. Le plus dur restait à faire : emprunter un vieux passage secret situé sous les cachots, les reliant à la tour de garde investie par les hommes de Stuart puis bifurquant jusqu’à un sortie cachée à presque un kilomètre de là qu’ils ne pouvaient ouvrir que de l’intérieur.
Donnant ses instructions à ses hommes, Stuart se mit en route. Il leur fallait se dépêcher, car très bientôt, le reste de la garnison du fort serait avertie de leur présence. Envoyant une petite escouade se replier vers la tour afin de faire évacuer les hommes postés là, Stuart guida le reste de la troupe et les prisonniers vers un autre souterrain, dissimulé derrière une fausse cloison dans un couloir non loin des cachots. Arrivé devant un mur de pierre ne se distinguant pas du reste du couloir, Stuart enfonça d’une pression forte une brique à hauteur de son visage, puis une seconde au niveau de ses genoux. Un faible grondement retentit, et une partie de la paroi recula de quelques centimètres. Stuart la fit glisser non sans efforts, formant ainsi un passage suffisamment étroit pour qu’un homme puisse y pénétrer en s’y glissant de côté.

- Je passe en premier, annonça Stuart, Patrick tu fermes la marche. Rabats la cloison derrière nous, n’hésite pas à forcer. Une fois là-dedans, on ne pourra plus faire demi-tour, nous serons dans un passage étroit, plongé dans l’obscurité et la porte ne pourra plus être ouverte de l’intérieur. Prenez garde car nous descendrons légèrement pendant la majorité de la traversée, jusqu’aux derniers mètres où l’on devra grimper jusqu’à la sortie.

Alors que Stuart finissait sa phrase, des cris résonnèrent dans le fort, suivis par des sons de cors. Leur présence avait été détectée.

- Ça doivent être nos hommes à la tour qui ont été repérés, s’exclama Stuart.

- On doit les aider, dit Patrick en tirant ses armes, laissez-moi deux hommes et j’irai porter secours aux nôtres.

- Non, répliqua fermement Stuart à contrecœur, ils savaient quels risques ils encouraient, nous le savions tous, ils savent ce qu’ils ont à faire.

Patrick acquiesça, espérant que ceux à la tour allaient réussir à se replier sans essuyer trop de pertes, mais Stuart avait raison. Tous les hommes membres de cette escouade savaient à quels risques ils s’étaient exposés en participant à cette mission, ils étaient tous volontaires, personne n’avait été forcé d’y participer, car le moindre doute aurait pu faire tourner la mission à la catastrophe. Ils ne pouvaient plus faire marche arrière.
Entendant les bruits des combats au loin, la troupe s’engouffra dans le sombre passage...
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Le-Nain
Grand Correcteur
Le-Nain


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Votre Chevalier
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MessageSujet: Re: Un long Hiver   Un long Hiver Icon_minitimeSam 16 Oct - 23:58

Excellent comme toujours Wink
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